La famille au cœur des soins, témoignages #7

Je ne peux malheureusement pas le guérir de sa maladie mais je peux l’aider à la vivre le mieux possible

J’ai été au cœur des soins de mon fils avant même qu’on sache qu’il était touché par une myopathie de Becker.

De nombreuses consultations où le diagnostic portait plus sur une anxiété maternelle qu’une myopathie.

Des examens qui ne montrent rien à des remises en causes de mes ressentis, nous avons dû faire preuve de confiance en nous pour être entendu par le monde médical. Puis quasiment du jour au lendemain après un simple dosage de CPK je passais du statut de mère qui exagérait à mère qui allait devoir gérer. Trouver un kiné libéral, surveiller son alimentation, penser à programmer ses suivis, communiquer avec son école, remplir des dossiers mdph, le tout en essayant de l’accompagner comme n’importe quel autre enfant. 

Le regarder comme une mère regarde son fils sans penser au signe Gowers, le pousser sans le forcer, le freiner sans le frustrer. Un équilibre qu’il faut constamment maintenir en préservant le lien familial au-delà de celui créé par la maladie.

Un amour invincible qui m’a amené à passer des heures entières à lire des articles scientifiques dont je n’aurais pas saisi un mot auparavant, un engagement profond envers une cause dont je ne soupçonnais jusque-là pas l’existence, une force qui déplacerais des montagnes pour celui qui m’a fait connaître le mot exon.

Je ne peux malheureusement pas le guérir de sa maladie mais je peux l’aider à la vivre le mieux possible. Et ça c’est un soin à part entière. 

Jennifer

Le trophée des aidants de l’Ordre National du Mérite

Le vendredi 13 juin 2025, Antoine Durand a reçu « le trophée des aidants de l’Ordre National du Mérite » des mains de Patrick Sandevoir, président de l’ordre national du mérite, dans un lieu emblématique de la République Française, l’hôtel de Lassay.

« J’ai été récompensé par l’Ordre National du Mérite pour l’équipe d’auxiliaires de vie en emploi direct que j’ai créé autour de moi pour être autonome, et qui permet à mes aidants familiaux de juste être ma famille sans être une charge. Aussi pour mon engagement à la Fédération des particuliers employeurs, dont je suis désormais vice-président en Auvergne Rhône Alpes ».

Lorsqu’on lui demande à qui il dédie ce trophée, il répond « A mes parents et mes 11 assistants de vie qui ont aussi reçu un diplôme de l’Ordre National du Mérite, pour leur travail et leur engagement pour mon autonomie. Car sans eux, je ne peux rien faire ».

« Leur rôle est vital et essentiel. Il est aussi très important pour me permettre de faire avancer la cause des personnes handicapées et à mobilité réduite, dans le champ de la mobilité, de l’accessibilité et de l’autonomie ».

Car au-delà même de la question des aidants, le grand combat d’Antoine est aussi la problématique critique de la mobilité et de l’accessibilité des transports en région lyonnaise, ascenseurs ou escalators, trop souvent en panne, au détriment des personnes à mobilité réduite. « Ma volonté est de contribuer activement à la défense du droit fondamental à la mobilité pour toutes et tous, et de porter la voix des usagers ».

Antoine

Allo, c’est juste pour vous prévenir que nous ne pourrons pas passer aujourd’hui

Le téléphone sonne. « Allo, c’est juste pour vous prévenir que nous ne pourrons pas passer aujourd’hui, et demain non plus. Il y a un arrêt de travail » … Pas de solution proposée, pas de choix…

Heureusement, ces deux jours, nous sommes là…

Ce n’est pas la première fois, pas la dernière, il faut faire avec, nous les parents, les proches, boucher les trous, prendre le relais, sans poser de questions, n’importe quand, disponibles, en forme, pas d’arrêt pour nous, pas de repos, la maladie elle ne s’arrête jamais, ne nous laisse aucun répit, mais notre enfant peut compter sur nous, toujours. On est là pour lui, par amour, pas passion.

Il faut le tourner, plier les jambes, le laver, l’habiller, replacer la main, le bras, la tête, le faire manger, il peut appeler à toute heure, jour et nuit, et nous gardons le sourire, malgré la peine, malgré les douleurs, car on ne veut pas lui faire porter le poids de notre tristesse, de nos petits problèmes en plus…

Parfois, c’est l’inquiétude : et si nous n’étions pas là ?

Françoise

La famille au cœur du soin

Après des mois, des années d’inquiétude et d’errance, de déni de la part de médecins sûrs d’eux, le diagnostic tombe et la vie est bouleversée, rien n’a le même sens, et là, parents, frère et sœur, famille, vous êtes en première ligne.  

La maladie sera avec vous chaque instant et, dans sa progression, ses étapes, vous devenez des spécialistes et experts de vos enfants, de sa maladie, bien plus que les spécialistes qui passeront parfois à côté de problèmes que vous devrez, vous, gérer au mieux.

Être un proche aidant, c’est une aide quotidienne 24h/24 dans les actes les plus simples, lever, coucher, habiller, faire manger et boire, toilettes, gratter ici ou là, mettre les attelles, le corset, faire les exercices respiratoires, attendre le kiné, assurer les déplacements, les visites médicales, et faire face aux moments les plus compliqués de la vie, pour votre enfant qui grandit, devient adulte, et traverser ensemble, avec lui et en famille, les épreuves des opérations chirurgicales, avec leur lot d’angoisse et de souffrance, guetter avec lui les signes de la lente évolution, inexorablement, le rassurer, le réconforter  … ce n’est pas simplement physiquement épuisant mais aussi moralement, psychologiquement, et cela seules les familles peuvent le partager, se prévenir, s’entraider, et comprendre.

D’autant qu’il faut en même temps mener la vie la plus ordinaire possible d’une famille classique, la vie professionnelle des parents (même si beaucoup de mamans s’arrêtent encore de travailler) la scolarité qui n’est pas toujours simple, les vacances « adaptées », les moments de joie, de complicité, d’aventures mais aussi de peine, de souffrance, avec souvent au sein de la famille un amour, une tendresse, une connivence, un humour et un mental exceptionnels.  

On a souvent le sentiment d’être dans un monde parallèle…  

Village répit « Les Cizes » tout est organisé pour prendre en charge les soins des deux ainés

Charlène, Grégory et leurs trois enfants, dont les deux ainés atteints de DMD, séjournent régulièrement une ou deux semaines depuis sept ans dans le village des Cizes. La maman a arrêté de travailler pour s’occuper de ses garçons, le papa a adapté son temps de travail, le quotidien est lourd. Au village des Cizes, tout est organisé pour prendre en charge les soins des deux ainés, aides-soignantes, kinés, activités, ce qui permet aux parents de lâcher prise, de se reposer, se détendre, et vivre une vie de « gens ordinaires » avec les ainés et le petit dernier, l’esprit léger. Soupape qui fait du bien à tous ! Le reportage qui leur a été consacré sur M6 se déroule en été, avec baignade dans le lac, vélo cross adapté en forêt etc… Reportage sur M6 Info

Partir en montagne l’hiver, essayer le ski, profiter de la neige avec un enfant en situation de handicap ?

Inimaginable pour nous qui ne sommes jamais partis aux sports d’hiver et ne maîtrisons pas le ski…

Quoique… si on essayait le VRF des Cizes au cœur du Jura ? Il paraît que tout est adapté et que des activités spécifiques sont proposées pour nos enfants. Alors, une demande à la MDA et hop, en avant !

Et quelle belle idée ce séjour ! Lorsque vous voyez votre enfant s’éclater en handiski, rigoler aux éclats à la patinoire, faire de la luge… juste génial ! Un cadre magique, tout bien adapté, un moment familial et l’air de la montagne ! Un budget très raisonnable aussi.

C’est bien sûr un temps de répit pour nous, les aidants, qui pouvons demander plus ou moins de soins et d’accompagnements pour la personne en situation de handicap, jour et nuit. C’est enfin un temps de rencontre avec d’autres familles concernées et venues, elles aussi, se poser, profiter, échanger…

Elise

Témoignage d’une sœur

Mon frère, le compagnon d’une vie ! Depuis l’enfance, nous partageons et vivons ensemble les belles victoires comme les plus dures épreuves. La maladie vient changer et compliquer le quotidien petit à petit mais elle ne change rien à nos jeux, nos aventures, nos voyages. Lorsque les opérations s’enchainent, que les soins deviennent plus importants et que l’impact physique et moral de la maladie se fait plus sentir, on se sent impuissant et coupable, on aimerait être plus présent et plus actif, pouvoir partager les obstacles… mais mon frère est d’une force et d’une philosophie dont je suis admirative tous les jours, je ne peux que prendre exemple sur lui. A défaut de pouvoir être accompagnante et soignante, à défaut de pouvoir aider au quotidien et de soulager mon frère et mes parents, j’essaie d’être une amie, une complice, une camarade comme lui l’est depuis toujours pour moi. Nous continuons à vivre nos aventures, à fêter nos succès et à nous consoler mutuellement de nos chagrins. Nous nous changeons les idées ensemble, nous parlons de choses importantes ou de choses ridicules, nous partageons des films, des repas en famille, des discussions, des petits bonheurs…. Et le handicap, la maladie ne pourront jamais changer cela. »

Séjours au domicile de la personne aidée

Exemple Bulle d’air : Bulle d’air est un service de répit à domicile destiné aux aidants, pour leur permettre de « souffler un peu », tout en maintenant la personne aidée dans le cadre sécurisant de son domicile. Ces séjours se préparent à l’avance car ils nécessitent une évaluation à domicile des besoins et de l’environnement de la personne aidée avant même la première intervention, un échange entre la famille et le relayeur, prise de contact et préparation de l’intervention, connaissance par le relayeur des lieux, de la personne dont ils vont s’occuper pendant l’absence de l’aidant, et les possibilités de financement de cette présence (caisses de retraite, sécurité sociale…) etc.

Cela se prépare à l’avance mais une visite annuelle pour tenir compte des évolutions permet de garder le contact et faciliter les relais suivants.  https://www.repit-bulledair.fr/

Baluchonnage, avec Bol d’Air

Dispositif de répit venu du Québec, le Baluchonnage permet à l’aidant de s’absenter de chez lui pendant qu’un intervenant unique, le Baluchonneur, prend soin du proche aidé 24h/24. Le service de relayage à domicile ou baluchonnage est de deux jours et une nuit minimum à 6 jours consécutifs par le même intervenant, un professionnel spécialement formé, sans se substituer aux services d’aide à la personne mis en place, et la personne aidée reste chez elle, garde ses habitudes de vie et ses repères.

« Nous avons fait cette demande deux fois auprès de Bol d’Air c’est une expérience que nous sommes prêts à refaire. Hugo était content de rester dans son environnement et nous parents avions l’esprit tranquille ». https://www.aidants44.fr/44/a-domicile/le-bol-d-air-des-aidants/aid_7602

Sandrine et son fils Hugo, 30 ans


Faites entendre vos voix pour Duchenne, témoignages #6

Un citoyen à part entière

Il y a une dizaine d’années, j’ai rencontré pour la première fois Louis Debouzy, du côté de Place de Rungis à Paris dans le 13ème. Ce jour-là, il avait
traversé tout Paris, seul, en fauteuil électrique, malgré un temps incertain de novembre, pour rencontrer des amis japonais en visite dans la capitale, dont Tadahiro Watanabe, atteint de myopathie de Duchenne. Louis, atteint d’une myopathie de Becker, et Tadahiro avaient en commun d’être de jeunes entrepreneurs et de n’avoir peur de rien.
Tous deux avaient fait de brillantes études, surmontant toutes les difficultés liées au handicap, et avaient très tôt créé leur propre entreprise d’aide à la personne. Leur jeunesse, leur enthousiasme et bonne humeur avaient fait
de cette rencontre un moment inoubliable.
Je l’avais revu plus tard dans son appartement parisien, au rdc, son lieu de travail et de vie, joliment décoré et tout adapté, entouré de ses livres annotés, avec son chien, pour une réunion (encore japonisante) fort sympathique.
Depuis Louis est devenu un heureux papa, vit et travaille toujours au même endroit. Il a vendu sa société mais reste un entrepreneur, un homme d’affaires, qui a créé un club d’entrepreneurs ayant vendu leur entreprise. La réussite pour lui n’est pas tabou. Cela lui donne indépendance, fierté et liberté.
Dans un article du Figaro du 15 juillet 2024 qui lui est consacré, Louis parle de sa maladie comme un moteur, mais rien ne tourne autour d’elle. Ce n’est pas ce qui le motive dans la vie.
Être responsable de soi-même et confiant, libre de ses choix et de ses acquisitions, sans en référer à des personnes extérieures, dossiers, commissions, délais etc, est un privilège qui lui est cher, même si cela peutparaître à certains politiquement incorrect.

Droit de vote et accessibilité

Ma famille et moi habitions un petit village de Seine-et-Marne de moins de 1000 habitants. J’y suis arrivé à mon entrée en sixième, à 11 ans, et le fait que la Mairie ne soit pas accessible, avec sa dizaine de marches raides qui menaient à l’entrée, ne me gênait pas particulièrement.
Mais à la majorité, ayant le droit de vote, je ne pouvais hélas pas voter par moi-même. Dans un premier temps, je faisais une procuration pour un de mes proches et devais aller à la gendarmerie du bourg le plus proche, gendarmerie à peine plus accessible que la Mairie, avec sa porte étroite et sa petite marche. Je devais donc attendre à l’extérieur, au niveau des bâtiments d’habitation des gendarmes, et patienter jusqu’à ce qu’ils viennent m’apporter les formulaires nécessaires.
Devant tant de difficultés dont personne ne s’inquiétait, j’ai écrit au Maire de notre village lui expliquant la situation et m’appuyant sur la loi de 2005, dont l’accessibilité des lieux publics. Je ne devais pas être le seul à ne pouvoir accéder à la salle de la mairie où se tenait le vote. À la suite de mon courrier, le bureau de vote a été transféré dans une petite salle de la commune à côté de la poste et de l’école, où se tenaient habituellement des activités associatives. Une rampe en bois un peu rudimentaire en permettait l’accès le jour des élections et un espace pour le vote des personnes à mobilité
réduite a été installé. J’ai donc pu me rendre au bureau de vote, régulièrement, même si pour glisser un bulletin dans l’enveloppe et dans l’urne, l’aide d’un tiers reste hélas indispensable.
Voici comment mon courrier a permis à la Mairie de prendre en compte le cas des personnes à mobilité réduite au moment des élections.
Cependant, et malgré une grande mobilisation du village pour le Téléthon et l’implication de la maire actuelle dans la coordination pendant un temps, la Mairie à ce jour n’est toujours pas accessible…et nous avons déménagé.

Rubens – Lettre à Nicole Bellobet, ministre de l’Education Nationale

Il y a quelques mois j’ai écrit une lettre ouverte à Nicole Belloubet, ministre de l’Éducation après son intervention sur Télématin qui m’avait profondément choqué. « Un élève perturbateur, il peut être perturbateur parce qu’il est en
difficulté physique ou parce qu’il y a un handicap. » Voilà la première réponse que la ministre de l’Education nationale avait prononcée avec la plus grande indifférence, lors de son interview dans l’émission « Télématin » sur France 2, le 22 avril, à propos des nouvelles mesures proposées pour encadrer les « élèves perturbateurs ».
Je ne pouvais pas laisser ce genre de propos sans réponse et ne voyant ni la réaction du journaliste sur Télématin ni celles des médias dans les jours qui suivirent, je décidais de porter ma voix par l’intermédiaire de cette lettre.
Alors pourquoi une lettre ? Déjà car il me semble que c’est le médium de la discussion, de l’échange et ensuite parce que l’écriture est pour moi un moyen d’expression fort. Mon but n’étant pas d’être dans la colère mais bien dans la discussion attendant une réponse. Réponse qui ne s’est pas faite attendre après la publication de ma lettre dans le Nouvel Obs, par la ministre qui s’est excusée sur la radio France info quelques
jours plus tard.
C’était aussi l’occasion de remettre le sujet du handicap dans le débat public et vis-à-vis des politiques qui semblaient mettre cette question de côté. Il est important de continuer à défendre ces idéaux de diversité et d’inclusion pour construire l’humanité de demain. Rubens Quatrefages-Lenfant

Antoine : 1 – panne d’ascenseur mai 2024

Un ascenseur émotionnel.
Lorsque l’on est très dépendant de certaines technologies, et que tout fonctionne, on a rapidement tendance à oublier leur importance.
J’y suis régulièrement confronté, et je peux vous dire que de petits imprévus peuvent vite se transformer en grosses galères. Sur le moment, ce n’est pas toujours facile, mais ça fait en tout cas de super anecdotes à raconter, pleines de rebondissements et de suspens ! J’ai même parfois l’impression que ma vie se transforme en escape game ! C’est ce genre de situation que j’ai vécue l’autre soir, à la fin d’une soirée à mon club de prise de parole en public. Il était environ 21h45, je m’apprêtais à prendre l’ascenseur pour rejoindre la rue et rentrer chez moi. Et là, panique ! En appuyant sur le bouton, pour appeler l’ascenseur, il ne s’est rien passé ! Aucun voyant lumineux. J’avais quand même un petit espoir que ce ne soit que le bouton qui dysfonctionne, auquel cas mon auxiliaire de
vie peut l’appeler à un autre étage. Malheureusement, c’était le cas à tous les étages. Manifestement il n’y avait plus aucune alimentation électrique, et impossible de savoir d’où cela venait. J’étais bien entendu au premier étage, et 14 marches me séparaient de la sortie. Nous avons donc appelé avec les autres membres du club la société d’ascenseur, en leur précisant le degré d’urgence de la situation.
La société a mis un certain temps à joindre le technicien d’astreinte, qui a fini par arriver aux alentours de 22h30.
Malheureusement, il n’a rien pu faire. Car effectivement, il n’y avait plus de courant électrique et il n’a pas pu savoir d’où provenait ce défaut. Probablement du compteur électrique, dont personne n’avait la moindre idée de la localisation. Il a donc fallu se résoudre à appeler les secours. La seule possibilité pour me descendre en toute sécurité, d’autant plus que j’ai une machine pour respirer qui doit être portée avec moi, et que je suis obligé d’avoir
mon fauteuil roulant pour me déplacer. Vers 23H, les pompiers sont arrivés, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils n’étaient pas habitués à ce genre d’intervention, surtout à cette heure tardive. Après réflexion, ils ont décidé de me porter directement avec mon fauteuil roulant. Un challenge étant donné le poids : plus de 250 kg ! Heureusement, ils sont venus à 6, et il fallait bien ça ! Ils m’ont harnaché de sangles de tous les côtés du fauteuil, au niveau des points d’ancrage, et ont procédé à plusieurs tests de levée pour pouvoir me descendre en toute sécurité. Je me souviendrai longtemps de cette descente, quelque peu stressante, je dois l’avouer ! A 23h30, j’étais sain et sauf sur le trottoir, prêt à prendre le métro pour rentrer à la maison. Un grand merci aux pompiers pour leur intervention qui a été parfaite ! Encore un souvenir à ajouter à mon répertoire d’imprévus et d’expériences insolites. La suite au prochain
épisode ! Antoine Mai 2024

Les difficultés de voyager, notamment en avion

Cet été, j’aimerais prendre l’avion pour passer quelques jours à Vienne en Autriche, où j’ai de la famille. Un projet somme toute très classique !
Je vais dans la capitale autrichienne une fois par an, mais j’ai toujours opté pour la voiture ou le train de nuit, car c’est plus simple pour moi de voyager de cette façon. Le seul souci, c’est le temps : en voiture, avec plus de 1200 km de trajet depuis Lyon, il faut compter au minimum une journée complète, sans compter la fatigue. En train de nuit, c’est même pire : déjà, il faut aller
à Paris, ce qui rallonge la durée d’au moins 3h, puis prendre le Paris-Vienne et ses 14h de trajet ! Le tout avec un niveau de confort assez moyen.
Autrement dit, pour un week-end, c’est un peu juste… Je me suis dit que j’allais tester l’avion pour gagner un peu de temps. D’autant qu’il y a un vol direct depuis Lyon, opéré par la compagnie autrichienne. Je me suis renseigné sur la faisabilité de ce trajet avec mes spécificités.
J’ai vite déchanté… Prendre l’avion, dans ma situation, s’apparente plus à un défi logistique et administratif ! Car si aucun passager en situation de handicap ne peut être refusé pour cela,
suivant la législation internationale, c’est beaucoup moins évident dans la pratique !
Voici les conditions que je dois remplir pour espérer obtenir un billet d’avion : accrochez-vous, la liste est longue : Premièrement, l’épreuve du formulaire médical international, en anglais s’il vous plaît, à faire compléter par un médecin spécialisé dans ma pathologie, pour vérifier que je vais survivre au vol, alors que cela équivaut à une heure et demie en montagne, à un peu plus de 2000 mètres d’altitude. Avec tout un tas d’infos très précises à remplir, soumises à la validation du médecin de la compagnie.
Ensuite, le défi du matériel ! J’ai besoin d’utiliser 2 dispositifs médicaux bourrés d’électronique pendant le vol : mon respirateur et mon aspiration. Pour ces deux appareils, je dois fournir une attestation du fabricant qui prouve leur homologation pour le transport aérien, un document avec les caractéristiques des batteries
et les fiches de sécurité des batteries. Et la même chose pour le fauteuil roulant électrique, qui voyage comme bagage en soute.
Et ce n’est pas tout, pour voyager, je ne peux pas utiliser un siège classique car je n’ai aucun tonus musculaire au niveau du dos et du cou. J’utilise une coque rigide à ma forme réalisée sur mesure. Si j’utilise un tel équipement, il doit être testé avant le vol pour des raisons de sécurité.
Si vous avez passé avec brio ces 3 épreuves, vous avez le droit d’acheter votre billet, sans aucune réduction pour votre accompagnateur. En espérant ne pas être refoulé à l’aller ou au retour.
Je rêve qu’un jour, ce soit aussi facile pour moi de prendre l’avion que le train ou la voiture

Trachéotomie, un an après

1 an avec la trachéotomie : 1 an déjà ! C’est fou comme ma vie a changé en l’espace d’une année !
Et c’est bien de progrès dont je parle. Cela fait un an que j’ai été opéré pour la trachéotomie.

À l’époque où j’ai pris la décision de franchir le pas, je ne l’ai pas fait de gaieté de cœur. J’avais la tête remplie de questions, de peurs, de doutes
quant à mon avenir, des pensées qui s’entrechoquaient dans ma tête. J’espère tout au plus que cela n’impacte pas trop ma qualité de vie ni ma liberté. Jamais je n’aurais pu imaginer que cela allait avoir un impact très positif sur ma vie. Je dirai même une renaissance, tel un phénix qui renaît de ses cendres. Bien sûr, ces changements ne se sont pas faits en une jour, et je suis passé par des phrases de difficultés et de challenges, et j’ai dû faire tout un travail sur moi-même pour y parvenir. Avant l’opération, je pensais que ma communication orale allait être fortement impactée, que je n’aurais plus la même voix, qu’elle serait difficile à comprendre, voire que je ne pourrais presque plus parler.
Certes, je n’ai presque plus pu parler un mois durant. Aujourd’hui, je parle bien mieux qu’avant. Ma voix est bien plus forte en volume, les personnes me comprennent bien mieux. Ma voix est plus affirmée et plus sûre, et j’ai bien améliorer ma communication devant un public. Je peux même parler devant une trentaine de
personnes sans micro, ce qui était totalement impensable jusqu’alors ! Avant l’opération, j’avais de plus en plus de mal à manger, tout devait être soigneusement mixé, et une fausse route représentait un grand danger (j’ai failli y passer à cause de ça). Et je mangeais quasiment en apnée, ce qui était épuisant, et je ne cessais de perdre du poids. Certes, je n’ai plus pu boire ni manger pendant au moins deux mois, et les médecins de réanimation m’avaient même affirmé que je ne pourrai plus jamais manger ni boire par la bouche (c’était particulièrement dur à accepter, surtout de manière aussi abrupte). Aujourd’hui, non seulement je mange beaucoup plus et sans me fatiguer, mais je peux manger de tout ! Y compris les chips et biscuits friables qui me manquent tant. Avant l’opération, je n’avais pas beaucoup d’énergie, je ne dormais pas très bien, j’avais besoin de beaucoup de sommeil, et je me sentais souvent fatigué. Je devais souvent mettre ma machine de nuit pour respirer et son masque nasal, particulièrement disgracieux et imposant. Certes pendant plusieurs semaines, j’étais épuisé par mon opération, mon sommeil était très mauvais, rempli d’angoisses et de la terrible sensation de manquer d’air. Et mon énergie était très réduite. Aujourd’hui, j’ai beaucoup d’énergie, je dors peu mais bien, je peux de nouveau être hyperactif comme j’aime et vadrouiller toute la journée ! Bref, le kiff total ! Au prix de quelques contraintes, j’ai beaucoup de gratitude pour le nouvel homme que je suis et de toutes les possibilités qui s’offrent à moi !


Faire tomber les barrières, témoignages #5

Fabien, DMD, 36 ans, conseiller municipal et « conducteur »

Fabien, 36 ans, vit dans une dépendance de la maison de ses parents dans les Hautes Pyrénées.

Il avait un rêve depuis tout enfant, passer son permis de conduire et avoir un jour son propre véhicule pour être un citoyen comme les autres…

Le jour de ses 18 ans en 2006, il a obligé ses parents à appeler le Centre de rééducation à Cerbères dans les Pyrénées Orientales  à 400 kms du domicile pour savoir quelle était la marche à suivre.

Il lui a fallu surmonter l’inaccessibilité des auto-écoles pour le code, les aprioris : comment une personne qui ne peut même pas manger et boire tout seul, allait pouvoir conduire une voiture ? Rester hospitalisé loin de chez lui deux mois durant, sa famille faisant le déplacement à tour de rôle tous les week-ends pour venir le soutenir.  Surmonter la perte entre les deux départements de tous les papiers délivrés par la Préfecture des Hautes Pyrénées pour pouvoir passer l’épreuve de conduite dans les Pyrénées Orientales, ce qui obligea à des allers et retours entre le domicile et le Centre. Faire un crédit pour acheter la voiture et trouver ensuite les fonds nécessaires pour l’aménagement. Beaucoup de monde s’est mobilisé pour ce faire, de sa famille au Service régional de l’AFM-Téléthon , en passant par la Direction de la MDPH.

Mais quelle émotion et quelle fierté en novembre 2008 pour lui et tous ses proches de pouvoir enfin aller où il voulait  sans devoir quémander un chauffeur, de pouvoir en 2009 conduire sa future belle-sœur rejoindre son frère à la mairie. Onze années durant il a pu rejoindre sur les lieux de festivité ses copains de la banda dont il fait partie, aller chercher  ses neveux à l’école, nous transporter dans sa voiture au lieu du contraire.

Enfin et non des moindres,  cela lui a permis d’être nommé Président du Comité des Fêtes de notre village et de remplir les tâches inhérentes à ce poste de manière pratiquement autonome.

Une vie sociale bien remplie grâce à la réalisation de son rêve d’enfant, grâce à sa ténacité !!!

Il ne faut pas hésiter à bousculer les aprioris,  à se battre dans quelque domaine que ce soit, à faire tomber les barrières qui peuvent se dresser. Le plus petit succès est déjà une victoire contre la maladie !!!

Fabien est membre du conseil municipal depuis 2020, il s’occupe de la « commission animation évènement » et de la publication d’un bulletin semestriel.

Guillaume, j’ai fêté mes 40 ans cette année

Je suis bien occupé entre le travail, de nombreuses sorties culturelles, un projet d’écriture, etc … La maladie ne me freine pas trop, je fais tout pour !!

Briser les barrières, on ne peut le faire seul !! Il faut un environnement familial et amical sain, il faut tomber sur les bonnes personnes au bon moment, il faut savoir se faire entendre. Ce n’est pas donné à tout le monde malheureusement.

Les lois de 2002 puis de 2005 devaient permettre de remédier à cela, que ça ne soit pas que les personnes handicapées favorisées (en dehors du handicap bien entendu) qui aient les ressources pour évoluer dans une société et un système qui ne font pas de sentiments.

Je ne vais pas dire que rien n’a évolué car, dans mon cas, rien n’était prévu dans la loi jusqu’à l’âge de 20 ans. C’est-à-dire que je n’avais pas d’AVS à l’école, pas de PCH, pas de MDPH. Et même, comme j’habitais dans une ville moyenne, je n’avais pas accès à un service d’aide humaine ni à des transports adaptés.

Cette évolution sociétale, on la doit en grande partie à l’APF et à l’AFM. Je trouve, par exemple, que le Téléthon a permis de faire évoluer les mentalités. En 40 ans, on est passé de la mise à l’écart des handicapés dans des centres, à une scolarité en milieu ordinaire de la plupart des enfants handicapés et, dans mon cas, à des études à bac+5 et à un emploi en tant qu’ingénieur. L’image du handicap a évolué positivement et les personnes handicapées commencent à avoir des aides importantes pour financer les aides techniques (fauteuil) et humaines (auxiliaires de vie). Le Téléthon n’a pas encore permis ma guérison mais a permis d’énormes progrès au niveau du suivi médical. L’espérance de vie des myopathes s’est sérieusement allongée depuis 40 ans.

Je vais donc vous raconter un peu mon histoire en mettant en avant les personnes qui m’ont aidé à y arriver, à briser pas mal de barrières. Ma vie a démarré sans qu’on se doute pour le moins du monde de ma maladie génétique, personne dans ma famille n’en était porteur. Ma maladie (la myopathie de Duchenne) a montré des premiers signes vers l’âge de 4 ans. A l’époque, je me fatiguais vite. La première épreuve pour mes parents (j’étais trop petit pour comprendre), a été l’errance de diagnostics. Pendant 3 longues années, je suis passé dans les mains d’ « experts » pour qui c’était avant tout psychologique. La réponse de base quand on ne sait pas reconnaître son ignorance. Vous vous rendez compte, on m’a même préconisé de l’escalade.

C’est à mon entrée en CP que tout s’est accéléré. J’étais scolarisé dans une école publique (celle dans laquelle ma grande sœur avait été scolarisée) où il n’y avait que des escaliers. Hélène, une employée de l’école (une ATSEM), a fini par faire le rapprochement entre les enfants qu’on voyait lors des premiers Téléthons et mon propre cas. Vers 7 ans, c ‘est donc devenu une évidence grâce à elle, mon handicap a été diagnostiqué dans la foulée.

L’année d’après, j’ai donc dû changer d’école. Mes parents ont fait ce qu’il faut pour trouver une autre école. Des travaux d’accessibilité ont été réalisés, l’équipe éducative a été mobilisée pour que mon intégration se fasse le mieux possible. Et ça été une réussite !! Du fait que je sois bon élève, je ne cumulais heureusement pas les difficultés. Car, c’est quand on est confronté à plusieurs difficultés que la situation peut se compliquer sérieusement pour d’autres enfants. J’avais une ATSEM qui avait un mi-temps dédié pour m’aider, elle m’a même accompagné une semaine en classe verte !!

J’ai pu marcher jusqu’à l’âge de 10 ans avant de devoir me servir en permanence d’un fauteuil roulant. Je me souviens très bien de ce jour-là, c’était le carnaval, je m’étais déguisé en extraterrestre et mon fauteuil faisait office de vaisseau spatial. C’est mes parents qui avaient bricolé le costume. Et oui, j’ai la chance d’avoir des parents aussi déterminés et qui n’ont pas pris mon handicap comme une fatalité. Ils se sont battus pour que je suive une scolarité en milieu ordinaire.

Au collège, c’est encore mes parents (professeurs, ça aide un peu) qui sont allés rencontrer l’équipe pédagogique, une équipe de professeurs volontaires a été sensibilisée à mon handicap. Des amis de primaire ont pu me suivre en sixième pour faciliter mon intégration. Il est vrai qu’en collège la différence peut entraîner du rejet et de la discrimination. De mon côté, je n’ai pas vécu ces situations-là (ou bien je n’y ai pas prêté d’attention particulière vu mon caractère bien affirmé). Je peux même vous dire que j’ai gardé mon groupe d’amis (de primaire et de collège), je les côtoie encore 30 ans après.

La seule situation qui m’a marqué, c’est ce professeur de 5ème qui voulait que je rentre en classe en dernier. Mal lui en a pris, je lui ai écrasé un pied quand il s’est interposé à mon passage le 1er jour 🙂 A part lui, les autres professeurs ont été formidables en me considérant comme tout autre élève. Pour m’aider au collège, j’ai eu la chance de compter sur un objecteur de conscience en 6ème et 5ème puis de compter sur l’équipe de surveillants.

Le lycée a continué dans les mêmes conditions. Après le bac, j’ai continué un cursus scientifique à l’Université Paul Sabatier de Toulouse. C’était un grand défi, comme pour n’importe quelle personne qui commence sa vie étudiante, de devenir autonome en quittant le domicile familial avec des problématiques en plus liées à mon handicap. Pour le logement adapté, j’ai pu avoir accès à une résidence universitaire sur le campus qui disposait d’appartements adaptés. Durant 5 ans, j’ai aussi compté sur la présence d’un colocataire étudiant (Elias puis Mounir) en l’absence de l’existence de PCH en 2001. En échange de l’hébergement et d’une petite rémunération, ce colocataire m’aidait pour les repas du soir et était présent la nuit en cas de problèmes. Il m’aidait aussi parfois pour les couchers car chose extraordinaire aucune association n’intervenait après 23h. Et c’est là qu’une autre personne a joué un rôle important pour moi en créant un service d’appel à la demande bien utile pour des couchers à l’heure souhaitée. Cet homme s’appelait Alain et c’était le début de l’association Carpe Diem Premium. En journée, une association d’aide humaine effectuait mes levers. Puis, après j’étais pris en charge par la faculté disposait de 2 emplois jeunes (Ludovic et Philippe) chargés d’aider les étudiants en situation de handicap (pour les repas et autres aides en journée , la prise de notes, etc …).

A l’université, j’ai fait un cursus en informatique dans un IUP (équivalent à une école d’ingénieurs). J’ai été pendant toutes ces années dans une promotion solidaire et bienveillante à mon égard, c’est important de le souligner !! Mes études ont ainsi pu se dérouler dans les meilleures conditions. J’ai réalisé lors de ce cursus des stages en entreprise qui se sont avérés très positifs malgré des réticences au départ. Le handicap génère beaucoup de préjugés qui, au final, se dissipent très vite mais c’est un combat de tous les instants.

Avec un bac+5 et de bons stages, j’étais très confiant pour ma recherche de travail. C’est dans ma nature d’être optimiste. Mais c’est à ce moment-là (où on pouvait se dire que le plus dur était passé) que j’ai pris la discrimination en pleine face et je ne m’y attendais pas. J’ai mis 1 an (et pas loin de 25 entretiens) là où il a fallu 3 mois à mes camarades d’IUP pour être embauché. Après 6 mois sans succès, le découragement commençait à se manifester et c’est encore mes parents qui m’ont soutenu. C’est à ces moments-là qu’il faut faire preuve de culot : avec mon père, on a fait le tour à l’improviste des entreprises qui m’avaient discriminés pour essayer de comprendre les raisons. Bien nous en a pris car quelques mois après j’avais enfin une promesse d’embauche. Mon intégration dans la société devenait totale après m’être battu pendant 25 ans. Je ne regrette pas toutes ces épreuves car cela m’a permis de rencontrer des personnes formidables qui ont tout fait pour m’aider.

Je travaille toujours dans la même entreprise depuis 15 ans en tant qu’ingénieur informatique, mes missions sont en majorité de la sous-traitance pour de grandes entreprises (principalement Airbus). Mon travail et mes compétences sont appréciées, je suis bien intégré aux équipes. Mon poste a été aménagé par un financement Agefiph (souris adapté, bureau réglable). L’entreprise, où je suis, dispose d’une Mission Handicap que je peux solliciter pour l’achat de matériel spécifique, pour résoudre des problèmes liés à mon handicap. Ce service s’est bien développé au fil des ans. Par exemple, l’entreprise me finance l’intervention d’une aide humaine pendant mes heures de travail sur site, c’est très appréciable !!

Julien, grâce à ma passion pour le cinéma, j’ai trouvé une forme de guérison artistique

Je m’appelle Julien, j’ai 35 ans et je suis atteint de Myopathie de Duchenne. Dès mon enfance, je savais que quelque chose ne tournait pas rond, j’avais des difficultés à la marche, je faisais des chutes à répétition, j’avais des crampes et j’étais toujours très fatigué. Puis, après quelques années d’errance, j’ai finalement été diagnostiqué, à l’âge de 5 ans, et j’ai enfin vraiment compris ce qui m’arrivait.

Même si le fracas de cette découverte fut très douloureux pour ma famille j’ai paradoxalement vécu cela comme une sorte de soulagement car pour la première fois je pouvais voir mon adversaire dans le blanc des yeux.

Fort de ce constat et grâce à la volonté de mes parents ainsi qu’aux précieux conseils de l’AFM (Association Française contre les Myopathies) j’ai pu consulter les meilleures spécialistes de cette pathologie.

Les compétences d’ordre orthopédique, pneumologique, cardiologique, chirurgicale et psychologique de l’Institut de Myologie de l’hôpital de la Pitié-Salpétrière à Paris m’ont permis d’affronter mon ennemi intérieur et de survivre tout en repoussant les limites de ma condition.

Certes cela n’a pas toujours été facile, loin de là, j’y ai laissé des plumes. En effet, j’ai perdu l’usage de la marche à l’âge de 12 ans et j’utilise désormais un fauteuil roulant électrique pour me déplacer.

Mais je me dis que c’est le prix à payer pour combattre la maladie. Les attelles, la verticalisation, la chirurgie des tendons, l’arthrodèse vertébrale totale, les conséquences inattendues et aujourd’hui la ventilation non invasive…

C’est beaucoup de contraintes, mais c’est aussi une chance, car en vérité, si je regarde derrière moi, je me dis que le tribut n’a pas été si lourd que ça. De plus, je sais qu’à chaque nouvelle génération de malades, les armureries à pharmacie se renforcent.

Au final, toutes ces épreuves m’ont galvanisé et m’ont encouragé à m’investir totalement vers le chemin de la guérison, notamment à travers ma participation à l’émission télévisée du Téléthon 2005 en tant que porte-parole national des familles de malades. Mais aussi par mon investissement bénévole en tant que community manager au sein de la Coordination Téléthon pour le département de la Manche (50).

Ainsi, aujourd’hui, je crois donc dur comme fer en la guérison car je sais que les progrès de la recherche ont déjà permis de prouver que nous allons réussir à guérir un jour.

Désormais, nous avons donc le « Comment ? »

Il ne nous manque plus que le « Quand ? ».

C’est pourquoi, en attendant la guérison, nous devons tous trouver une stratégie pour faire face à la maladie et vivre le mieux possible.

Evidemment, je sais que beaucoup d’entre vous attendent comme moi une thérapie génique, mais sachez qu’en attendant le jour de la victoire, nous pouvons déjà tous trouver une guérison dans notre imaginaire. Et si vous y pensez, c’est que c’est déjà Réel dans votre Esprit !

Pour ma part, grâce à ma passion pour le cinéma, j’ai trouvé une forme de guérison artistique par la réalisation de courts-métrages expérimentaux inspirants qui transcendent mon handicap.

En définitive, outre sa gravité, la Myopathie de Duchenne, comme beaucoup d’autres maladies génétiques rares, peut aussi donner un sens, une quête, une mission à la vie. Celle de vivre la beauté de chaque instant de manière exceptionnelle et décuplée. C’est certainement le sens aigu d’une vie fabuleuse mais étincelante. C’est une sorte de 6ème sens.

A contrario, cela n’est peut-être pas le cas d’une vie insouciante et « normale » qui ne va nulle part.

Il est parfois plus beau de venir au monde pour quelque chose, que de naître pour rien.

Yevhenia maman de Nikita

Au-delà des barrières « ordinaires » peuvent s’ajouter les barrières dues à la guerre, à l’exil, …

Nous sommes une famille ukrainienne et mon fils Nikita, âgé de 10 ans, est atteint d’une myopathie de Duchenne. Au début de la guerre, en mars 2022, nous avons dû quitter notre maison avec mes deux fils, en laissant mon mari engagé dans la guerre.

Lorsque nous avons quitté l’Ukraine, Nikita pouvait encore marcher un peu et se tenait bien debout. En chemin, il a complètement cessé de marcher et ses jambes ont commencé à se déformer. Aujourd’hui, il ne peut plus se tenir debout.

A St Brieuc, nous avons trouvé un vieux fauteuil roulant pour adultes, et nous l’avons adapté pour Nikita nous-mêmes (il l’aimait beaucoup). Nous avons vécu pendant un certain temps en appartement chez ma sœur qui vivait déjà en France depuis de longues années, avant de chercher un autre logement indépendant qui conviendrait à notre fils. Il nous a fallu six mois pour trouver un endroit où vivre afin d’être autonome. Nikita n’avait plus de médicaments, nous sommes donc allés voir le médecin de famille de ma sœur. Nous avons eu la chance que ce médecin nous aide à prendre contact avec le centre médical spécialisé « Helio Marіn » à Plerin en Bretagne, qui se trouve être dans la ville mitoyenne de celle où nous vivons.

Depuis mai 2022, Nikita a des séances de kinésithérapie, de piscine, 3 fois par semaine. Les documents officiels requis ont été établis en novembre 2022. Depuis, nous sommes à la recherche d’une école, mais nous ne trouvons toujours pas d’auxiliaire de vie scolaire pour Nikita, afin de l’aider dans sa scolarité ainsi qu’un établissement avec les aménagements adaptés pour un enfant handicapé en fauteuil roulant. C’est une situation extrêmement frustrante pour lui car il manque sévèrement de socialisation et de communication.

Jusqu’à l’âge de 9 ans, il avait une vie normale en Ukraine – école, professeurs et un grand cercle d’amis. Il allait dans une classe normale, faisait ses propres devoirs comme n’importe quel enfant autonome, participait aux événements scolaires, chantait, dansait, il étudiait donc avec tous les enfants du même niveau scolaire que lui. Maintenant, c’est très difficile pour Nikita parce qu’il ne connaît pas le français et que personne ne le comprend. Il ne peut pas l’apprendre parce qu’il n’a pas de professeur et que notre situation et les soins lui laissent trop peu de temps pour étudier.

Tout va bien en ce qui concerne les soins médicaux. Une fois par an, nous allons voir tous les spécialistes et nous passons tous les tests adaptés à sa pathologie.

En un an et demi, mon fils a pris 15 kilos, et nous avons changé son traitement de corticoïdes de Prednisone à Deflazacort. Nikita va l’essayer pendant 3 mois.

En mai 2023, nous avons dû rentrer en Ukraine pour 2 semaines. Nous avons voyagé en bus pendant 56 heures (nous avons demandé un siège près de la sortie pour ne pas avoir à le porter partout dans le bus). Aux arrêts du bus, nous ne pouvions pas sortir le fauteuil roulant du coffre et j’ai dû porter Nikita dans mes bras afin de le déplacer pour se nourrir et avoir accès aux commodités.

Au retour, nous avons pris le train, puis l’avion jusqu’à Paris. Tout s’est bien passé, on a mis à notre disposition des personnes pour nous aider à l’atterrissage.

A Plérin où nous vivons maintenant, Nikita n’a pas encore trouvé ce qu’il pourrait faire comme activité extra-scolaire, car nous ne savons pas où chercher. En Ukraine, il y avait souvent des vacances, des événements pour les enfants, des voyages pour les enfants handicapés. En France, nous n’avons pas encore pu trouver quelque chose de ce genre.

Nikita aime les jeux d’ordinateur, les Lego, les voitures, comme tous les enfants ordinaires, et il est très inquiet de ne pas pouvoir communiquer avec les enfants, de n’avoir presque pas d’amis. Il n’a personne avec qui se promener. Comme nous vivons près de la mer, il veut y passer plus de temps, mais ce n’est possible que sur certaines plages, car son fauteuil roulant ne passe pas sur le sable.

Il veut aller à Disneyland et voyager beaucoup. Et son rêve le plus cher est de marcher à nouveau.

Marie-Françoise, Maman de Benoît, 40 ans

Notre vie avec ce chemin si difficile de la maladie de notre fils, âgé aujourd’hui de 40 ans, nous a démontré que dans l’impossible il y avait toujours du possible.

Au fur et à mesure des années nous avons appris le combat de tous les instants.

La force de refuser, de s’indigner, de s’imposer, de faire comprendre, d’accompagner, de communiquer, de soutenir et surtout de ne jamais rien lâcher !

La grande dépendance à haut risque vital n’est pas du tout connue du monde médical.

Nous sommes confrontés malheureusement à des incompréhensions qui sont littéralement des pertes de chance pour nos enfants devenus adultes.

Lorsque la MDPH délivre une carte besoin d’accompagnement permanent et que vous avez des aidants 24H/24, comment est-il possible d’avoir des refus lors de transport avec des ambulanciers privés qui sous prétexte d’un protocole interdisent que l’on reste auprès de la personne malade (?) Ces mêmes ambulanciers n’ont pas la formation aux aspirations endotrachéales, autant dire que mon fils serait mort pendant le transport, si nous n’avions pas obtenu gain de cause.

Nous avons dû imposer l’aidant durant un séjour à l’hôpital nuit et jour ; c’était très éprouvant de faire comprendre à certains personnels soignants (heureusement pas tous), mais cela demande de l’énergie en plus de l’état de notre fils.

Pour assister à des spectacles, Benoît doit acheter son billet mais également celui de son accompagnant avec le tarif de monsieur tout le monde. Lorsqu’il doit acheter sur internet, c’est la galère lorsqu’on découvre le chapitre PMR … Sommes-nous inclus dans la société civile ?

Le planning de ses auxiliaires de vie est un véritable feuilleton. Lorsqu’il y a absence, on compte sur la famille et autant dire que nous n’avons pas de vie, c’est une charge morale permanente…il faut tenir le coup, coûte que coûte même à 70 ans…

Benoît et sa sœur Sophie

Le personnel n’est pas du tout rémunéré à hauteur de la responsabilité de la mission à haut risque vital et à cause de cela il y a un turnover inévitable.

Trachéotomiser c’est une sécurité médicale, mais ensuite les familles sont abandonnées pour accompagner dignement cette situation de grande dépendance. Il y a des drames qui se vivent au quotidien, et la société n’a pas de réponse c’est maltraitant voire inhumain…

Rendre hommage aux aidants avec « la semaine des aidants » c’est bien ; les aider toute l’année c’est mieux !  


Les femmes et Duchenne, témoignages #4

Feriel, DMD

Je m’appelle Feriel j’ai 30 ans je suis Française et j’ai la myopathie de Duchenne.
Mes sœurs et moi sommes triplées. L’une de mes sœurs est porteuse asymptomatique du gène de Duchenne. Nous avons une mutation stop (non-sens) de l’exon 12.
J’ai commencé à marcher quand j’avais 2 ans, mais à partir de 3 ans j’ai commencé à tomber beaucoup.
J’avais de gros mollets et je marchais sur la pointe des pieds. Les médecins pensaient que c’était à cause de ma naissance prématurée car je suis née à six mois et demi. En 1997, un médecin de l’hôpital de Garches m’a fait une biopsie. Quelques semaines plus tard, on m’a diagnostiqué la dystrophie musculaire de
Duchenne, j’avais 6 ans.

Concernant l’évolution de ma maladie, j’ai utilisé un fauteuil roulant pour la première fois quand j’avais 10 ans, j’ai perdu la marche à 16 ans. Depuis juillet 2016, j’utilise un appareil respiratoire la nuit. Je prends des médicaments pour mon cœur, ma tension artérielle, mon asthme, mon estomac et mes os. Je fais une sieste tous les jours sinon je suis très fatiguée. Je n’ai pas de problèmes cardiaques et ma capacité respiratoire a augmenté depuis que j’ai commencé à utiliser l’appareil respiratoire.
Malgré toutes les difficultés liées à ma maladie, j’adore voyager et découvrir de nouveaux pays ; j’aime nager (mon corps semble alors si léger) ; regarder des matchs de foot avec mon père ; chanter, ce qui est bon pour mes poumons, et écouter de la musique, c’est apaisant ; aller au cinéma, au théâtre, lire, pour m’échapper ; j’aime ma vie, mes amis et ma famille. J’espère qu’un jour, bientôt, on trouvera un traitement !

Sandrine, maman

xxx

Liliane, maman

Xxx

Maud, soeur

Sœurs, Noémie (9ans) et Louise (15 ans)

Elisabeth, tante

Témoignages des « femmes autour d’Axel »

Catherine, tante de Louis

Une grand-mère


La vie adulte & Duchenne, témoignages #3

Benoît

Sébastien

Kevin

Guillaume


La DMD et le cerveau, témoignages #2

Témoignage de François

C’était le 12 mars 2008. Nous venions de fêter de roses ta maman le 8 mars, journée internationale de la femme. Ce 12 mars, rentrants de l’hôpital vers midi nous nous sommes effondrés sur nos lits toi après un biberon, nous après une matinée qui nous ouvrait les portes de l’enfer, assommés par le choc, abrutis par les paroles du médecin, hagards. S’en sont suivies les nuits sans sommeils et les journées de cauchemar …

Cette journée aussi destructrice soit elle posait pourtant les fondations d’une vie nouvelle. Certes ce n’était plus la vie dont nous rêvions pour toi ou pour nous mais la vie quand même. Nous pourrions savoir que l’enfant que ta maman portait depuis 2 mois ne serait pas atteint de cette maladie, nous serions plus attentifs à tes articulations, nous ne te forcerions pas à marcher, à monter les escaliers, à faire du vélo, à nager, nous aurions toujours une poussette pour que tu ne te fatigues pas …

Nous étions prêts à affronter la maladie qui grignotait inexorablement tes muscles fragiles et les médecins ne manquaient pas de solutions pour les aider : médicaments, kiné, fauteuil électrique ou manuel, attelles aux motifs imprimés, respirateurs, …

Un médecin nous avait indiqué en aparté avant qu’on ne le quitte que ton apprentissage du langage prendrait peut-être un peu plus de temps … mais ce n’était pas certain et tellement ridicule par rapport au reste.

Nous n’avions pas de plan pour lutter contre la maladie qui compliquait la communication entre tes neurones, les médecins non plus … d’ailleurs selon eux nous n’en avions pas besoin «chaque enfant apprend à son rythme» … et pourtant …

Les premiers doutes sont venus d’une amie assistante maternelle. Pourtant tu étais si sage, chérubin souriant aux anges dans ton petit lit, la tendresse de ton regard perdu rendait impossible tout destin funeste. Pour être si calme c’est sûr une fée bienveillante s’était penchée sur ton berceau.

L’entrée à l’école accompagné d’une assistante de vie scolaire pour soulager tes muscles a été accueillie avec enthousiasme par l’équipe éducative … pourtant, année après année, projet pédagogique personnalisé après projet pédagogique personnalisé, l’évidence s’est peu à peu imposée, à travers les sourires aussi gênés que désemparés de tes enseignants : ce ne sont pas tes muscles qui avaient le plus besoin d’aide pour le moment. Tu ne parlais pas, tu ne t’intéressais ni aux lettres, ni aux chiffres, ni à tes camarades, tu étais là et pourtant si loin de nous.

De CAMPS en CMPP, de pédopsychiatre en SESSAD, de psychologue en orthophoniste tu restais une énigme pour tous. Nous n’avions pas les clefs qui ouvraient les portes de ton monde peuplé de fils, de machines, de portes, de pistons, d’électricité. Un monde merveilleux, que toi seul savait voir, qui faisait briller tes yeux et accaparait ton attention des heures entières mais qui nous restait imperméable.

Puis, la mise en place d’une prise en charge basée sur une méthode comportementale dispensée par des professionnels de l’autisme dont tu présentais certains traits. Un dispositif lent, massif, intrusif te suivant à l’école et à la maison, ne te laissant plus beaucoup de temps pour toi-même … mais des résultats probants. Faute d’avoir su entrer dans ton monde de perfection, grâce à cet accompagnement tu es entré dans le nôtre médiocre mais désormais nous serions ensembles.

Nous regrettons de t’avoir fait perdre tant de temps à chercher et enfin trouver la bonne structure. Ce temps précieux perdu de tes plus jeunes années ne pourra pas être rattrapé et nous en nourrissons d’amers regrets … nous n’avions pas de plan pour lutter contre la maladie qui compliquait la communication entre tes neurones, les médecins non plus.

Cela fait déjà presque 14 ans que nous frémissons à chacun de tes pas de plus en plus mal assurés, que nous nous réjouissons à chacun de tes mots de moins en moins hésitants. Les progrès de ton cerveau en forme de victoire face à cette maladie qui continue de te prendre tes muscles

Témoignage de Jean-Pierre et Rosa parents de Jean-Baptiste

Nous avons découvert les premières difficultés de Jean-Baptiste, alors que nous avions déjà le diagnostic DMD, lors de son entrée à la maternelle. Irritabilité, agressivité, isolement, difficulté de la relation et du langage, assez rapidement les symptômes sont apparus. Seules l’implication et la patience d’une maîtresse ont permis une scolarisation à peu près normale jusqu’au CP. Les troubles devenant difficilement gérables dans un cadre traditionnel, une orientation en CLIS a été validée dès l’âge de 6 ans.

Le diagnostic d’autisme s’est forgé au cours de ces premières années et on peut le qualifier de lourd quant à son intensité.

Avec l’aide en libéral d’une orthophoniste et d’une psychomotricienne qui avait l’expérience de l’autisme, puis d’un SESSAD, du CMPP (Centre Médico Psycho Pédagogique) au niveau du département et toujours en lien avec l’Education nationale (référents handicap), Jean-Baptiste a pu suivre une scolarité adaptée prenant en compte autant que possible ses carences et ses capacités.

Mais que de réunions, d’explications, parfois des tensions, combien de personnels impliqués… On peut le dire, ce fut une tâche permanente pour construire un parcours scolaire adapté.

Aujourd’hui, son comportement s’est apaisé, notre fils a appris des rudiments de communication qui ont permis une socialisation très positive pour lui. Il est aujourd’hui en semi-internat en IEM, à 20 km de notre domicile, au sein d’un groupe appelé « A mon rythme », qui comme son nom l’indique accueille de manière très individualisée des pluri et polyhandicapés. A 15 ans aujourd’hui, il a développé les capacités d’un jeune enfant, est capable de verbaliser ses besoins les plus essentiels mais reste très limité dans sa communication et sa capacité à la relation, même si sur des compétences très concrètes, il peut être très à l’aise (jeux vidéos, puzzle, par exemple), comme un véritable autiste en fait…

Depuis 3, 4 ans nous constatons une stabilisation de son état, les progrès sont moins nombreux même si, par contre, sa personnalité s’affirme. Nous pensons qu’il ne progressera plus beaucoup au niveau cognitif. Nous avons tout de même le sentiment que notre fils est à ce jour pris en charge dans des conditions optimales compte-tenu de la complexité de sa pathologie.

Tout cela a pu être possible grâce à notre implication permanente, avec des prises de décision assez rapides, dans une sorte de désert de connaissances, non sur l’autisme, mais sur la DMD aggravée par de l’autisme.

Nous avons pu compter également à différents moments sur l’aide de certaines personnes au sein du milieu médico-éducatif, qui ont été au-delà de leurs simples obligations professionnelles et on peut le formuler ainsi, ont été touchées par le sur-handicap de Jean-Baptiste.

Nous avons rapidement compris que nous devions nous-mêmes construire le parcours de Jean-Baptiste, nous avons tâtonné, et nous doutons encore à chaque fois qu’un choix se présente à nous quant à son avenir. Nous avons appris à ne pas nous refermer sur nous-mêmes et à accepter des avis différents sur l’accompagnement de notre fils. Ce qui est certain c’est que sa très faible autonomie intellectuelle nous oblige en permanence à évaluer les situations pour lui, en essayant d’anticiper au maximum les écueils sachant qu’à 15 ans maintenant, notre fils qui est en fauteuil depuis 4 ans, a atteint un stade de la DMD où les difficultés musculaires deviennent de plus en plus prégnantes.

Car, eh oui… A la lecture de ce témoignage, on aurait tendance à oublier que la DMD est avant tout une maladie neuro-musculaire qui se rappelle de plus en plus à nous à mesure que Jean-Baptiste grandit.

Nous sommes entrés très tôt dans l’accompagnement du handicap à cause de l’autisme, l’aspect musculaire a été réellement mis de côté jusqu’à la perte de la marche. Nous constatons que cette situation nous a armés très vite, notamment quant  à la mise en place d’une organisation familiale efficace autour de notre fils. Nous avons adapté depuis plusieurs années nos carrières professionnelles respectives afin d’être disponibles pour lui. En effet, la DMD et les troubles associés font que l’accompagnement de Jean-Baptiste au quotidien nécessite une connaissance pointue de son « fonctionnement ». Il exige une vigilance accrue, ce qui fait que le cercle des personnes de confiance à qui nous pouvons confier notre fils est réduit, même au sein de nos familles. Son état nous oblige à être très en pointe dans la formation des aidants et des éducateurs. Nous avons créé une sorte de bulle autour de lui, après en particulier les travaux d’adaptation de notre domicile.

Notre principale tâche à présent est d’anticiper au mieux la dégradation (légère pour le moment) de certaines fonctions, notamment la déglutition. C’est en effet notre principale crainte, comment avec des capacités intellectuelles limitées Jean-Baptiste va pouvoir gérer la perte de ses capacités physiques (continuer en fait) ? Comment pourra-t-il exprimer la douleur, la perception de la disparition de ses forces, ses moments de stress et de déprime ? Comment pourra-t-il affronter la lourdeur d’une trachéotomie? Il a eu de la chance (!), il a pu éviter l’arthrodèse, ce qui fut pour nous un grand soulagement. Il a par exemple marqué la perte de la marche par l’arrêt de la propreté, c’est toute cette communication non verbale que nous devons être capables de maitriser et de transmettre à nos aidants

Nous sommes vraiment dans un cas de comorbidité (présence d’un ou de plusieurs troubles associés à un trouble ou une maladie primaire), facteur aggravant de la DMD qui sonne comme une double peine pour notre fils.

Il nous faut dire pour que ce témoigne soit vraiment authentique que cet aspect (maladie dans la maladie) a été absent de la prise en charge de Jean-Baptiste dans son suivi médical DMD. Les parcours de soins, bilans pluridisciplinaires etc., font l’impasse sur la dimension cognitive, ce n’est pas une question de désintérêt, mais nous avons le sentiment que les troubles associés, ce n’est pas le sujet en fait.

Il est tacitement convenu que ces troubles cognitifs se résorbent dans le temps à l’inverse des troubles physiques. C’est finalement une pure donnée statistique, il y a comme un constat de fatalité, c’est comme ça et de toute façon ce n’est pas le plus important…

Tous les efforts, tout l’élan, tout l’engagement de l’AFM depuis ses débuts sont tendus vers le muscle. Comment pourrions-nous être en opposition avec cela ? Nous profitons au quotidien des résultats de ces 50 ans d’efforts, nous participons avec enthousiasme au Téléthon, nous sommes conscients bien évidemment que des choix stratégiques doivent être faits pour une utilisation optimale des moyens de l’association. Il n’y a aucun sentiment de défiance vis à vis de qui que ce soit. Pour nous, l’essentiel est ailleurs et de toute façon, l’énergie nous manque pour mener toutes les batailles que nous livre la maladie. Nous aussi nous devons mesurer nos forces et affirmer des priorités.

Nous avons construit notre parcours familial et éducatif pour Jean-Baptiste, il est dans son monde, toujours souriant, ne se plaignant jamais, un grand et beau jeune homme tout simplement. Il fait le bonheur de ses parents et de ses sœurs (23 et 13 ans) mais l’inquiétude n’est jamais loin, l’accompagner et le faire grandir malgré tout est notre joie et notre servitude. En cela, nous sommes comme tous les autres parents d’enfants DMD.

Témoignage de Vincent

VINCENT aujourd’hui âgé de 34 ans revient sur son parcours.

« Mes parents se sont battus pour que mon frère Thibault et moi puissions avoir une vie normale. Le diagnostic de la maladie de Duchenne a été porté alors que j’avais quatre ans. Mes parents avaient été alertés par ma fatigue à la marche, des difficultés à me relever quand j’étais par terre. Les pronostics des médecins n’étaient pas encourageants : « Il n’apprendra jamais à lire, il faut le mettre en institut ». J’aimerais bien revoir le médecin qui voulait m’envoyer en établissement, lui montrer qu’il avait tort.

J’ai toujours voulu être intégré avec d’autres valides, vivre une vie normale. En début de lycée, j’ai eu un peu de difficultés avec mes camarades qui m’embêtaient avec mon fauteuil électrique. A cet âge, il y a plein de jeunes qui ne sont pas encore finis dans leur tête. Avec le temps, ça s’est amélioré.

Premiers apprentissages

J’ai eu du mal à apprendre la lecture. De ce fait, j’ai fait trois CP successifs, dans une école qui suivait la pédagogie Freinet. Je me suis appuyé pour apprendre à lire sur plusieurs méthodes, même des méthodes gestuelles (Borel-Maisonny). J’ai vraiment su lire à la fin de ces trois années, et je comprenais bien les consignes. Puis j’ai doublé mon CE1. Jusqu’en fin de primaire, j’ai suivi des séances d’orthophonie. A partir du CE2 jusqu’au lycée, j’ai bénéficié de l’aide d’un auxiliaire de vie scolaire (AVS). Et je n’ai plus jamais redoublé jusqu’en 1ère.

En retard au collège

Le décalage d’âge n’est pas évident à vivre. Normalement, quand on a plus de deux ans de retard, on est viré. Pourtant, tout le monde n’a pas besoin du même temps pour réussir, et il y a des élèves qui arrivent au collège sans savoir lire. Moi, j’étais plus vieux qu’eux, mais au moins je savais lire.

En fin de collège, l’équipe éducative voulait m’orienter en BEP parce que soit disant je ne pourrais pas suivre. Mes parents ont répondu que cette orientation n’était pas souhaitable pour moi compte tenu de mon handicap physique. Il n’y avait que des classes de BEP en plomberie ou en menuiserie dans les lycées proposés. Il ne faut pas toujours écouter les enseignants, il faut aussi suivre nos propres intuitions. Je me suis dit que je pourrais toujours réussir si je me battais.

Entrée réussie au lycée

En fait, j’ai réussi ma seconde et j’ai pu passer en première S. Au lycée général, c’est le travail intellectuel qui prime, c’est plus simple pour moi. En cours, j’avais un AVS qui prenait les notes pour moi. L’ordinateur ne me servait pas vraiment. Au baccalauréat, j’ai bénéficié de plusieurs aménagements : un secrétaire (en l’occurrence, mon AVS qui écrit pour moi) et un tiers de temps supplémentaire. La limite du tiers temps, pendant l’année scolaire c’est lorsqu’il y a un devoir surveillé et un cours ensuite et puis pendant les examens, c’est la fatigue due à la longueur des épreuves surtout quand les épreuves se succèdent dans la journée.

Vers le bac

Après de bons résultats en seconde, notamment dans les matières scientifiques, je me suis lancé en 1ère S. C’était trop dur et cela ne me motivait pas. J’ai redoublé en 1ère STG et passé mon bac en deux ans.

Mes matières préférées sont la philosophie et l’anglais. Je suis motivé et intéressé par tout, et j’ai une bonne mémoire. J’ai eu 17 en maths au bac, 14 en gestion des ressources humaines, et 13 en management. Du fait de ma dyslexie, j’ai obtenu une dispense d’espagnol deuxième langue au baccalauréat (j’avais obtenu 6…). Je suis dyslexique léger, mais avec la philo, je me suis nettement amélioré.

Projets d’avenir

Je pratiquais beaucoup les jeux vidéo qui me permettaient de faire ce que je ne peux pas faire dans la vraie vie, comme des exercices physiques. C’est pour cette raison que, le bac en poche, j’ai pu envisager d’intégrer une Ecole Supérieure d’Infographie. J’aime l’art, le design, créer des choses imaginaires, inventer. Les fauteuils électriques, par exemple, pourraient être plus design.

Ses parents constatent :

« Par rapport aux autres, c’était parfois difficile de se reconnaître handicapé. Vincent en a subi les conséquences avec ses camarades, les filles notamment.

Vincent aime toujours beaucoup la création. Son projet professionnel était parfaitement cohérent de ce point de vue. »

Réussir le BAC à 23 ans ce n’est, peut-être, pas vraiment un exploit pourtant nous considérons ce succès comme tel. C’est quand même extraordinaire si nous nous remémorons son parcours scolaire :  au début du cycle scolaire de nos enfants, les difficultés étaient telles, que nous évitions de nous projeter trop loin.

Un enfant myopathe de Duchenne grandit avec une maladie qui évolue inexorablement vers la perte de toute autonomie motrice.

La scolarisation de ces enfants n’est pas très simple car elle nécessite la mise en œuvre de certaines mesures  ( accessibilité des locaux, auxiliaire de vie scolaire, matériel adapté …) mais ce sont  les troubles cognitifs qui ont été source des problèmes les plus  importants. La place de Vincent à l’école a même été remise en cause.

La première grande difficulté a été d’identifier les troubles cognitifs pour ce qu’ils étaient avec leurs spécificités.

Au début, c’est l’explication psychologique qui était privilégiée par les enseignants (« il ne voulait pas grandir et donc pas apprendre à lire par exemple ») alors que nous étions convaincus du lien direct de ces troubles avec la maladie mais notre parole de parents n’était pas prise au sérieux. Vincent nous demandait pourquoi il n’arrivait pas à apprendre à lire comme ses camarades et se sentait dévalorisé tant sur le plan des acquisitions scolaires que sur le plan physique. C’est après le troisième CP, que l’explication neurologique a été mise en avant et, selon l’équipe éducative de suivi scolaire, la solution aurait été le milieu spécialisé. Nous nous sommes battus pour maintenir Vincent dans le circuit ordinaire : d’une part Vincent ne voulait absolument pas quitter l’école et d’autre part les structures proposées n’étaient pas adaptées à sa situation. Le côté social de l’école était important pour lui. Nous pensions que, malgré ses grandes  difficultés dans  les apprentissages, Vincent avait des capacités  qu’il fallait exploiter même si cela devait prendre du temps. Finalement nous avons eu raison mais nous y avons perdu des plumes, certains combats auraient pu nous être évités.

Heureusement l’orthophoniste qui suivait Vincent a été une précieuse alliée et son empathie et sa bienveillance nous réconfortait.

Le plus difficile a été la confrontation aux représentations de chacun : représentations de la maladie génétique, représentations des fratries multiples, représentations du handicap moteur, représentations des troubles cognitifs, représentation des parents d’enfants handicapés …


Nutrition et DMD, témoignages #1

Mon blender et moi

Lorsque j’avais 14 ans, je devais subir une arthrodèse fin mai.
L’anesthésiste a refusé car j’étais bien trop maigre. Je pesais 27
kilos, il en fallait dix de plus.
La proposition de l’équipe était de me garder tout l’été à
l’hôpital, avec une sonde gastrique pour me nourrir la nuit. J’ai
eu très peur ! Angoissé et démoralisé par cette perspective
sinistre de vacances à l’hôpital avec un tuyau dans la gorge…
Mes parents et moi avons donc fait une contre-proposition :
j’allais prendre ces dix kilos en 2 mois, chez moi, entouré de ma
famille, de mes amis, de mon chien et mon chat, pour être
opéré en septembre.
Accord conclu, défi à relever !
Avec six repas par jour, rapides ou copieux, riches en crème,
féculents, et des briquettes de suppléments nutritifs au milieu
de la nuit, à la visite de septembre, le résultat était là ! Je
pouvais être opéré car j’avais pris presque 10 kilos !
Vingt ans après, à 34 ans, je ne suis toujours pas gros, mais mon
poids est stable, j’y fais attention, et je ne suis pas
gastrostomisé. Je me nourris, à la paille très souvent, de soupes
variées, de tout ce qui peut passer dans mon mixeur selon les
saisons, et de compléments nutritionnels oraux
hyperénergétiques (Fortimel max) qui apportent en quelques
minutes l’équivalent d’un repas. Ces compléments médicaux
sont importants pour moi car ils me rassurent et m’aident à ne
pas perdre de poids. Le médecin me les prescrit à chaque visite.
Avec ce régime alimentaire, je fais attention à ne pas maigrir, à
boire, à manger des fruits et des légumes pour lutter contre la
constipation. Je serai peut-être gastrostomisé un jour, mais
pour moi le plus tard sera le mieux…
« Mon blender et moi »
Comment manger en 1 minute une banane, une pêche, un
yaourt, un jus de fruit, du miel, éventuellement un œuf entier
bio très frais ? Mettez tous ces ingrédients dans un blender,
mixez bien et servez !
Soupes, smoothies, shakes, jus, laits, crèmes, chaud ou froid,
mélangez tout ce que vous voulez, tout ce que vous aimez ! Les
recettes sont innombrables et varient les couleurs et les
saveurs.