La famille au cœur des soins, témoignages #7
Je ne peux malheureusement pas le guérir de sa maladie mais je peux l’aider à la vivre le mieux possible

J’ai été au cœur des soins de mon fils avant même qu’on sache qu’il était touché par une myopathie de Becker.
De nombreuses consultations où le diagnostic portait plus sur une anxiété maternelle qu’une myopathie.
Des examens qui ne montrent rien à des remises en causes de mes ressentis, nous avons dû faire preuve de confiance en nous pour être entendu par le monde médical. Puis quasiment du jour au lendemain après un simple dosage de CPK je passais du statut de mère qui exagérait à mère qui allait devoir gérer. Trouver un kiné libéral, surveiller son alimentation, penser à programmer ses suivis, communiquer avec son école, remplir des dossiers mdph, le tout en essayant de l’accompagner comme n’importe quel autre enfant.
Le regarder comme une mère regarde son fils sans penser au signe Gowers, le pousser sans le forcer, le freiner sans le frustrer. Un équilibre qu’il faut constamment maintenir en préservant le lien familial au-delà de celui créé par la maladie.
Un amour invincible qui m’a amené à passer des heures entières à lire des articles scientifiques dont je n’aurais pas saisi un mot auparavant, un engagement profond envers une cause dont je ne soupçonnais jusque-là pas l’existence, une force qui déplacerais des montagnes pour celui qui m’a fait connaître le mot exon.
Je ne peux malheureusement pas le guérir de sa maladie mais je peux l’aider à la vivre le mieux possible. Et ça c’est un soin à part entière.
Jennifer
Le trophée des aidants de l’Ordre National du Mérite

Le vendredi 13 juin 2025, Antoine Durand a reçu « le trophée des aidants de l’Ordre National du Mérite » des mains de Patrick Sandevoir, président de l’ordre national du mérite, dans un lieu emblématique de la République Française, l’hôtel de Lassay.
« J’ai été récompensé par l’Ordre National du Mérite pour l’équipe d’auxiliaires de vie en emploi direct que j’ai créé autour de moi pour être autonome, et qui permet à mes aidants familiaux de juste être ma famille sans être une charge. Aussi pour mon engagement à la Fédération des particuliers employeurs, dont je suis désormais vice-président en Auvergne Rhône Alpes ».
Lorsqu’on lui demande à qui il dédie ce trophée, il répond « A mes parents et mes 11 assistants de vie qui ont aussi reçu un diplôme de l’Ordre National du Mérite, pour leur travail et leur engagement pour mon autonomie. Car sans eux, je ne peux rien faire ».
« Leur rôle est vital et essentiel. Il est aussi très important pour me permettre de faire avancer la cause des personnes handicapées et à mobilité réduite, dans le champ de la mobilité, de l’accessibilité et de l’autonomie ».
Car au-delà même de la question des aidants, le grand combat d’Antoine est aussi la problématique critique de la mobilité et de l’accessibilité des transports en région lyonnaise, ascenseurs ou escalators, trop souvent en panne, au détriment des personnes à mobilité réduite. « Ma volonté est de contribuer activement à la défense du droit fondamental à la mobilité pour toutes et tous, et de porter la voix des usagers ».
Antoine
Allo, c’est juste pour vous prévenir que nous ne pourrons pas passer aujourd’hui
Le téléphone sonne. « Allo, c’est juste pour vous prévenir que nous ne pourrons pas passer aujourd’hui, et demain non plus. Il y a un arrêt de travail » … Pas de solution proposée, pas de choix…
Heureusement, ces deux jours, nous sommes là…
Ce n’est pas la première fois, pas la dernière, il faut faire avec, nous les parents, les proches, boucher les trous, prendre le relais, sans poser de questions, n’importe quand, disponibles, en forme, pas d’arrêt pour nous, pas de repos, la maladie elle ne s’arrête jamais, ne nous laisse aucun répit, mais notre enfant peut compter sur nous, toujours. On est là pour lui, par amour, pas passion.
Il faut le tourner, plier les jambes, le laver, l’habiller, replacer la main, le bras, la tête, le faire manger, il peut appeler à toute heure, jour et nuit, et nous gardons le sourire, malgré la peine, malgré les douleurs, car on ne veut pas lui faire porter le poids de notre tristesse, de nos petits problèmes en plus…
Parfois, c’est l’inquiétude : et si nous n’étions pas là ?
Françoise
La famille au cœur du soin
Après des mois, des années d’inquiétude et d’errance, de déni de la part de médecins sûrs d’eux, le diagnostic tombe et la vie est bouleversée, rien n’a le même sens, et là, parents, frère et sœur, famille, vous êtes en première ligne.
La maladie sera avec vous chaque instant et, dans sa progression, ses étapes, vous devenez des spécialistes et experts de vos enfants, de sa maladie, bien plus que les spécialistes qui passeront parfois à côté de problèmes que vous devrez, vous, gérer au mieux.
Être un proche aidant, c’est une aide quotidienne 24h/24 dans les actes les plus simples, lever, coucher, habiller, faire manger et boire, toilettes, gratter ici ou là, mettre les attelles, le corset, faire les exercices respiratoires, attendre le kiné, assurer les déplacements, les visites médicales, et faire face aux moments les plus compliqués de la vie, pour votre enfant qui grandit, devient adulte, et traverser ensemble, avec lui et en famille, les épreuves des opérations chirurgicales, avec leur lot d’angoisse et de souffrance, guetter avec lui les signes de la lente évolution, inexorablement, le rassurer, le réconforter … ce n’est pas simplement physiquement épuisant mais aussi moralement, psychologiquement, et cela seules les familles peuvent le partager, se prévenir, s’entraider, et comprendre.
D’autant qu’il faut en même temps mener la vie la plus ordinaire possible d’une famille classique, la vie professionnelle des parents (même si beaucoup de mamans s’arrêtent encore de travailler) la scolarité qui n’est pas toujours simple, les vacances « adaptées », les moments de joie, de complicité, d’aventures mais aussi de peine, de souffrance, avec souvent au sein de la famille un amour, une tendresse, une connivence, un humour et un mental exceptionnels.
On a souvent le sentiment d’être dans un monde parallèle…
Village répit « Les Cizes » tout est organisé pour prendre en charge les soins des deux ainés
Charlène, Grégory et leurs trois enfants, dont les deux ainés atteints de DMD, séjournent régulièrement une ou deux semaines depuis sept ans dans le village des Cizes. La maman a arrêté de travailler pour s’occuper de ses garçons, le papa a adapté son temps de travail, le quotidien est lourd. Au village des Cizes, tout est organisé pour prendre en charge les soins des deux ainés, aides-soignantes, kinés, activités, ce qui permet aux parents de lâcher prise, de se reposer, se détendre, et vivre une vie de « gens ordinaires » avec les ainés et le petit dernier, l’esprit léger. Soupape qui fait du bien à tous ! Le reportage qui leur a été consacré sur M6 se déroule en été, avec baignade dans le lac, vélo cross adapté en forêt etc… Reportage sur M6 Info
Partir en montagne l’hiver, essayer le ski, profiter de la neige avec un enfant en situation de handicap ?

Inimaginable pour nous qui ne sommes jamais partis aux sports d’hiver et ne maîtrisons pas le ski…
Quoique… si on essayait le VRF des Cizes au cœur du Jura ? Il paraît que tout est adapté et que des activités spécifiques sont proposées pour nos enfants. Alors, une demande à la MDA et hop, en avant !
Et quelle belle idée ce séjour ! Lorsque vous voyez votre enfant s’éclater en handiski, rigoler aux éclats à la patinoire, faire de la luge… juste génial ! Un cadre magique, tout bien adapté, un moment familial et l’air de la montagne ! Un budget très raisonnable aussi.
C’est bien sûr un temps de répit pour nous, les aidants, qui pouvons demander plus ou moins de soins et d’accompagnements pour la personne en situation de handicap, jour et nuit. C’est enfin un temps de rencontre avec d’autres familles concernées et venues, elles aussi, se poser, profiter, échanger…
Elise
Témoignage d’une sœur

Mon frère, le compagnon d’une vie ! Depuis l’enfance, nous partageons et vivons ensemble les belles victoires comme les plus dures épreuves. La maladie vient changer et compliquer le quotidien petit à petit mais elle ne change rien à nos jeux, nos aventures, nos voyages. Lorsque les opérations s’enchainent, que les soins deviennent plus importants et que l’impact physique et moral de la maladie se fait plus sentir, on se sent impuissant et coupable, on aimerait être plus présent et plus actif, pouvoir partager les obstacles… mais mon frère est d’une force et d’une philosophie dont je suis admirative tous les jours, je ne peux que prendre exemple sur lui. A défaut de pouvoir être accompagnante et soignante, à défaut de pouvoir aider au quotidien et de soulager mon frère et mes parents, j’essaie d’être une amie, une complice, une camarade comme lui l’est depuis toujours pour moi. Nous continuons à vivre nos aventures, à fêter nos succès et à nous consoler mutuellement de nos chagrins. Nous nous changeons les idées ensemble, nous parlons de choses importantes ou de choses ridicules, nous partageons des films, des repas en famille, des discussions, des petits bonheurs…. Et le handicap, la maladie ne pourront jamais changer cela. »
Séjours au domicile de la personne aidée
Exemple Bulle d’air : Bulle d’air est un service de répit à domicile destiné aux aidants, pour leur permettre de « souffler un peu », tout en maintenant la personne aidée dans le cadre sécurisant de son domicile. Ces séjours se préparent à l’avance car ils nécessitent une évaluation à domicile des besoins et de l’environnement de la personne aidée avant même la première intervention, un échange entre la famille et le relayeur, prise de contact et préparation de l’intervention, connaissance par le relayeur des lieux, de la personne dont ils vont s’occuper pendant l’absence de l’aidant, et les possibilités de financement de cette présence (caisses de retraite, sécurité sociale…) etc.
Cela se prépare à l’avance mais une visite annuelle pour tenir compte des évolutions permet de garder le contact et faciliter les relais suivants. https://www.repit-bulledair.fr/
Baluchonnage, avec Bol d’Air
Dispositif de répit venu du Québec, le Baluchonnage permet à l’aidant de s’absenter de chez lui pendant qu’un intervenant unique, le Baluchonneur, prend soin du proche aidé 24h/24. Le service de relayage à domicile ou baluchonnage est de deux jours et une nuit minimum à 6 jours consécutifs par le même intervenant, un professionnel spécialement formé, sans se substituer aux services d’aide à la personne mis en place, et la personne aidée reste chez elle, garde ses habitudes de vie et ses repères.
« Nous avons fait cette demande deux fois auprès de Bol d’Air c’est une expérience que nous sommes prêts à refaire. Hugo était content de rester dans son environnement et nous parents avions l’esprit tranquille ». https://www.aidants44.fr/44/a-domicile/le-bol-d-air-des-aidants/aid_7602
Sandrine et son fils Hugo, 30 ans

Newsletter n°7 : La famille au cœur des soins, témoignages
Faire tomber les barrières, témoignages #5
Fabien, DMD, 36 ans, conseiller municipal et « conducteur »

Fabien, 36 ans, vit dans une dépendance de la maison de ses parents dans les Hautes Pyrénées.
Il avait un rêve depuis tout enfant, passer son permis de conduire et avoir un jour son propre véhicule pour être un citoyen comme les autres…
Le jour de ses 18 ans en 2006, il a obligé ses parents à appeler le Centre de rééducation à Cerbères dans les Pyrénées Orientales à 400 kms du domicile pour savoir quelle était la marche à suivre.
Il lui a fallu surmonter l’inaccessibilité des auto-écoles pour le code, les aprioris : comment une personne qui ne peut même pas manger et boire tout seul, allait pouvoir conduire une voiture ? Rester hospitalisé loin de chez lui deux mois durant, sa famille faisant le déplacement à tour de rôle tous les week-ends pour venir le soutenir. Surmonter la perte entre les deux départements de tous les papiers délivrés par la Préfecture des Hautes Pyrénées pour pouvoir passer l’épreuve de conduite dans les Pyrénées Orientales, ce qui obligea à des allers et retours entre le domicile et le Centre. Faire un crédit pour acheter la voiture et trouver ensuite les fonds nécessaires pour l’aménagement. Beaucoup de monde s’est mobilisé pour ce faire, de sa famille au Service régional de l’AFM-Téléthon , en passant par la Direction de la MDPH.
Mais quelle émotion et quelle fierté en novembre 2008 pour lui et tous ses proches de pouvoir enfin aller où il voulait sans devoir quémander un chauffeur, de pouvoir en 2009 conduire sa future belle-sœur rejoindre son frère à la mairie. Onze années durant il a pu rejoindre sur les lieux de festivité ses copains de la banda dont il fait partie, aller chercher ses neveux à l’école, nous transporter dans sa voiture au lieu du contraire.
Enfin et non des moindres, cela lui a permis d’être nommé Président du Comité des Fêtes de notre village et de remplir les tâches inhérentes à ce poste de manière pratiquement autonome.
Une vie sociale bien remplie grâce à la réalisation de son rêve d’enfant, grâce à sa ténacité !!!
Il ne faut pas hésiter à bousculer les aprioris, à se battre dans quelque domaine que ce soit, à faire tomber les barrières qui peuvent se dresser. Le plus petit succès est déjà une victoire contre la maladie !!!
Fabien est membre du conseil municipal depuis 2020, il s’occupe de la « commission animation évènement » et de la publication d’un bulletin semestriel.
Guillaume, j’ai fêté mes 40 ans cette année

Je suis bien occupé entre le travail, de nombreuses sorties culturelles, un projet d’écriture, etc … La maladie ne me freine pas trop, je fais tout pour !!
Briser les barrières, on ne peut le faire seul !! Il faut un environnement familial et amical sain, il faut tomber sur les bonnes personnes au bon moment, il faut savoir se faire entendre. Ce n’est pas donné à tout le monde malheureusement.
Les lois de 2002 puis de 2005 devaient permettre de remédier à cela, que ça ne soit pas que les personnes handicapées favorisées (en dehors du handicap bien entendu) qui aient les ressources pour évoluer dans une société et un système qui ne font pas de sentiments.
Je ne vais pas dire que rien n’a évolué car, dans mon cas, rien n’était prévu dans la loi jusqu’à l’âge de 20 ans. C’est-à-dire que je n’avais pas d’AVS à l’école, pas de PCH, pas de MDPH. Et même, comme j’habitais dans une ville moyenne, je n’avais pas accès à un service d’aide humaine ni à des transports adaptés.
Cette évolution sociétale, on la doit en grande partie à l’APF et à l’AFM. Je trouve, par exemple, que le Téléthon a permis de faire évoluer les mentalités. En 40 ans, on est passé de la mise à l’écart des handicapés dans des centres, à une scolarité en milieu ordinaire de la plupart des enfants handicapés et, dans mon cas, à des études à bac+5 et à un emploi en tant qu’ingénieur. L’image du handicap a évolué positivement et les personnes handicapées commencent à avoir des aides importantes pour financer les aides techniques (fauteuil) et humaines (auxiliaires de vie). Le Téléthon n’a pas encore permis ma guérison mais a permis d’énormes progrès au niveau du suivi médical. L’espérance de vie des myopathes s’est sérieusement allongée depuis 40 ans.
Je vais donc vous raconter un peu mon histoire en mettant en avant les personnes qui m’ont aidé à y arriver, à briser pas mal de barrières. Ma vie a démarré sans qu’on se doute pour le moins du monde de ma maladie génétique, personne dans ma famille n’en était porteur. Ma maladie (la myopathie de Duchenne) a montré des premiers signes vers l’âge de 4 ans. A l’époque, je me fatiguais vite. La première épreuve pour mes parents (j’étais trop petit pour comprendre), a été l’errance de diagnostics. Pendant 3 longues années, je suis passé dans les mains d’ « experts » pour qui c’était avant tout psychologique. La réponse de base quand on ne sait pas reconnaître son ignorance. Vous vous rendez compte, on m’a même préconisé de l’escalade.
C’est à mon entrée en CP que tout s’est accéléré. J’étais scolarisé dans une école publique (celle dans laquelle ma grande sœur avait été scolarisée) où il n’y avait que des escaliers. Hélène, une employée de l’école (une ATSEM), a fini par faire le rapprochement entre les enfants qu’on voyait lors des premiers Téléthons et mon propre cas. Vers 7 ans, c ‘est donc devenu une évidence grâce à elle, mon handicap a été diagnostiqué dans la foulée.
L’année d’après, j’ai donc dû changer d’école. Mes parents ont fait ce qu’il faut pour trouver une autre école. Des travaux d’accessibilité ont été réalisés, l’équipe éducative a été mobilisée pour que mon intégration se fasse le mieux possible. Et ça été une réussite !! Du fait que je sois bon élève, je ne cumulais heureusement pas les difficultés. Car, c’est quand on est confronté à plusieurs difficultés que la situation peut se compliquer sérieusement pour d’autres enfants. J’avais une ATSEM qui avait un mi-temps dédié pour m’aider, elle m’a même accompagné une semaine en classe verte !!
J’ai pu marcher jusqu’à l’âge de 10 ans avant de devoir me servir en permanence d’un fauteuil roulant. Je me souviens très bien de ce jour-là, c’était le carnaval, je m’étais déguisé en extraterrestre et mon fauteuil faisait office de vaisseau spatial. C’est mes parents qui avaient bricolé le costume. Et oui, j’ai la chance d’avoir des parents aussi déterminés et qui n’ont pas pris mon handicap comme une fatalité. Ils se sont battus pour que je suive une scolarité en milieu ordinaire.
Au collège, c’est encore mes parents (professeurs, ça aide un peu) qui sont allés rencontrer l’équipe pédagogique, une équipe de professeurs volontaires a été sensibilisée à mon handicap. Des amis de primaire ont pu me suivre en sixième pour faciliter mon intégration. Il est vrai qu’en collège la différence peut entraîner du rejet et de la discrimination. De mon côté, je n’ai pas vécu ces situations-là (ou bien je n’y ai pas prêté d’attention particulière vu mon caractère bien affirmé). Je peux même vous dire que j’ai gardé mon groupe d’amis (de primaire et de collège), je les côtoie encore 30 ans après.
La seule situation qui m’a marqué, c’est ce professeur de 5ème qui voulait que je rentre en classe en dernier. Mal lui en a pris, je lui ai écrasé un pied quand il s’est interposé à mon passage le 1er jour 🙂 A part lui, les autres professeurs ont été formidables en me considérant comme tout autre élève. Pour m’aider au collège, j’ai eu la chance de compter sur un objecteur de conscience en 6ème et 5ème puis de compter sur l’équipe de surveillants.
Le lycée a continué dans les mêmes conditions. Après le bac, j’ai continué un cursus scientifique à l’Université Paul Sabatier de Toulouse. C’était un grand défi, comme pour n’importe quelle personne qui commence sa vie étudiante, de devenir autonome en quittant le domicile familial avec des problématiques en plus liées à mon handicap. Pour le logement adapté, j’ai pu avoir accès à une résidence universitaire sur le campus qui disposait d’appartements adaptés. Durant 5 ans, j’ai aussi compté sur la présence d’un colocataire étudiant (Elias puis Mounir) en l’absence de l’existence de PCH en 2001. En échange de l’hébergement et d’une petite rémunération, ce colocataire m’aidait pour les repas du soir et était présent la nuit en cas de problèmes. Il m’aidait aussi parfois pour les couchers car chose extraordinaire aucune association n’intervenait après 23h. Et c’est là qu’une autre personne a joué un rôle important pour moi en créant un service d’appel à la demande bien utile pour des couchers à l’heure souhaitée. Cet homme s’appelait Alain et c’était le début de l’association Carpe Diem Premium. En journée, une association d’aide humaine effectuait mes levers. Puis, après j’étais pris en charge par la faculté disposait de 2 emplois jeunes (Ludovic et Philippe) chargés d’aider les étudiants en situation de handicap (pour les repas et autres aides en journée , la prise de notes, etc …).
A l’université, j’ai fait un cursus en informatique dans un IUP (équivalent à une école d’ingénieurs). J’ai été pendant toutes ces années dans une promotion solidaire et bienveillante à mon égard, c’est important de le souligner !! Mes études ont ainsi pu se dérouler dans les meilleures conditions. J’ai réalisé lors de ce cursus des stages en entreprise qui se sont avérés très positifs malgré des réticences au départ. Le handicap génère beaucoup de préjugés qui, au final, se dissipent très vite mais c’est un combat de tous les instants.
Avec un bac+5 et de bons stages, j’étais très confiant pour ma recherche de travail. C’est dans ma nature d’être optimiste. Mais c’est à ce moment-là (où on pouvait se dire que le plus dur était passé) que j’ai pris la discrimination en pleine face et je ne m’y attendais pas. J’ai mis 1 an (et pas loin de 25 entretiens) là où il a fallu 3 mois à mes camarades d’IUP pour être embauché. Après 6 mois sans succès, le découragement commençait à se manifester et c’est encore mes parents qui m’ont soutenu. C’est à ces moments-là qu’il faut faire preuve de culot : avec mon père, on a fait le tour à l’improviste des entreprises qui m’avaient discriminés pour essayer de comprendre les raisons. Bien nous en a pris car quelques mois après j’avais enfin une promesse d’embauche. Mon intégration dans la société devenait totale après m’être battu pendant 25 ans. Je ne regrette pas toutes ces épreuves car cela m’a permis de rencontrer des personnes formidables qui ont tout fait pour m’aider.
Je travaille toujours dans la même entreprise depuis 15 ans en tant qu’ingénieur informatique, mes missions sont en majorité de la sous-traitance pour de grandes entreprises (principalement Airbus). Mon travail et mes compétences sont appréciées, je suis bien intégré aux équipes. Mon poste a été aménagé par un financement Agefiph (souris adapté, bureau réglable). L’entreprise, où je suis, dispose d’une Mission Handicap que je peux solliciter pour l’achat de matériel spécifique, pour résoudre des problèmes liés à mon handicap. Ce service s’est bien développé au fil des ans. Par exemple, l’entreprise me finance l’intervention d’une aide humaine pendant mes heures de travail sur site, c’est très appréciable !!
Julien, grâce à ma passion pour le cinéma, j’ai trouvé une forme de guérison artistique

Je m’appelle Julien, j’ai 35 ans et je suis atteint de Myopathie de Duchenne. Dès mon enfance, je savais que quelque chose ne tournait pas rond, j’avais des difficultés à la marche, je faisais des chutes à répétition, j’avais des crampes et j’étais toujours très fatigué. Puis, après quelques années d’errance, j’ai finalement été diagnostiqué, à l’âge de 5 ans, et j’ai enfin vraiment compris ce qui m’arrivait.
Même si le fracas de cette découverte fut très douloureux pour ma famille j’ai paradoxalement vécu cela comme une sorte de soulagement car pour la première fois je pouvais voir mon adversaire dans le blanc des yeux.
Fort de ce constat et grâce à la volonté de mes parents ainsi qu’aux précieux conseils de l’AFM (Association Française contre les Myopathies) j’ai pu consulter les meilleures spécialistes de cette pathologie.
Les compétences d’ordre orthopédique, pneumologique, cardiologique, chirurgicale et psychologique de l’Institut de Myologie de l’hôpital de la Pitié-Salpétrière à Paris m’ont permis d’affronter mon ennemi intérieur et de survivre tout en repoussant les limites de ma condition.
Certes cela n’a pas toujours été facile, loin de là, j’y ai laissé des plumes. En effet, j’ai perdu l’usage de la marche à l’âge de 12 ans et j’utilise désormais un fauteuil roulant électrique pour me déplacer.
Mais je me dis que c’est le prix à payer pour combattre la maladie. Les attelles, la verticalisation, la chirurgie des tendons, l’arthrodèse vertébrale totale, les conséquences inattendues et aujourd’hui la ventilation non invasive…
C’est beaucoup de contraintes, mais c’est aussi une chance, car en vérité, si je regarde derrière moi, je me dis que le tribut n’a pas été si lourd que ça. De plus, je sais qu’à chaque nouvelle génération de malades, les armureries à pharmacie se renforcent.
Au final, toutes ces épreuves m’ont galvanisé et m’ont encouragé à m’investir totalement vers le chemin de la guérison, notamment à travers ma participation à l’émission télévisée du Téléthon 2005 en tant que porte-parole national des familles de malades. Mais aussi par mon investissement bénévole en tant que community manager au sein de la Coordination Téléthon pour le département de la Manche (50).
Ainsi, aujourd’hui, je crois donc dur comme fer en la guérison car je sais que les progrès de la recherche ont déjà permis de prouver que nous allons réussir à guérir un jour.
Désormais, nous avons donc le « Comment ? »
Il ne nous manque plus que le « Quand ? ».
C’est pourquoi, en attendant la guérison, nous devons tous trouver une stratégie pour faire face à la maladie et vivre le mieux possible.
Evidemment, je sais que beaucoup d’entre vous attendent comme moi une thérapie génique, mais sachez qu’en attendant le jour de la victoire, nous pouvons déjà tous trouver une guérison dans notre imaginaire. Et si vous y pensez, c’est que c’est déjà Réel dans votre Esprit !
Pour ma part, grâce à ma passion pour le cinéma, j’ai trouvé une forme de guérison artistique par la réalisation de courts-métrages expérimentaux inspirants qui transcendent mon handicap.
En définitive, outre sa gravité, la Myopathie de Duchenne, comme beaucoup d’autres maladies génétiques rares, peut aussi donner un sens, une quête, une mission à la vie. Celle de vivre la beauté de chaque instant de manière exceptionnelle et décuplée. C’est certainement le sens aigu d’une vie fabuleuse mais étincelante. C’est une sorte de 6ème sens.
A contrario, cela n’est peut-être pas le cas d’une vie insouciante et « normale » qui ne va nulle part.
Il est parfois plus beau de venir au monde pour quelque chose, que de naître pour rien.
Yevhenia maman de Nikita

Au-delà des barrières « ordinaires » peuvent s’ajouter les barrières dues à la guerre, à l’exil, …
Nous sommes une famille ukrainienne et mon fils Nikita, âgé de 10 ans, est atteint d’une myopathie de Duchenne. Au début de la guerre, en mars 2022, nous avons dû quitter notre maison avec mes deux fils, en laissant mon mari engagé dans la guerre.
Lorsque nous avons quitté l’Ukraine, Nikita pouvait encore marcher un peu et se tenait bien debout. En chemin, il a complètement cessé de marcher et ses jambes ont commencé à se déformer. Aujourd’hui, il ne peut plus se tenir debout.
A St Brieuc, nous avons trouvé un vieux fauteuil roulant pour adultes, et nous l’avons adapté pour Nikita nous-mêmes (il l’aimait beaucoup). Nous avons vécu pendant un certain temps en appartement chez ma sœur qui vivait déjà en France depuis de longues années, avant de chercher un autre logement indépendant qui conviendrait à notre fils. Il nous a fallu six mois pour trouver un endroit où vivre afin d’être autonome. Nikita n’avait plus de médicaments, nous sommes donc allés voir le médecin de famille de ma sœur. Nous avons eu la chance que ce médecin nous aide à prendre contact avec le centre médical spécialisé « Helio Marіn » à Plerin en Bretagne, qui se trouve être dans la ville mitoyenne de celle où nous vivons.
Depuis mai 2022, Nikita a des séances de kinésithérapie, de piscine, 3 fois par semaine. Les documents officiels requis ont été établis en novembre 2022. Depuis, nous sommes à la recherche d’une école, mais nous ne trouvons toujours pas d’auxiliaire de vie scolaire pour Nikita, afin de l’aider dans sa scolarité ainsi qu’un établissement avec les aménagements adaptés pour un enfant handicapé en fauteuil roulant. C’est une situation extrêmement frustrante pour lui car il manque sévèrement de socialisation et de communication.
Jusqu’à l’âge de 9 ans, il avait une vie normale en Ukraine – école, professeurs et un grand cercle d’amis. Il allait dans une classe normale, faisait ses propres devoirs comme n’importe quel enfant autonome, participait aux événements scolaires, chantait, dansait, il étudiait donc avec tous les enfants du même niveau scolaire que lui. Maintenant, c’est très difficile pour Nikita parce qu’il ne connaît pas le français et que personne ne le comprend. Il ne peut pas l’apprendre parce qu’il n’a pas de professeur et que notre situation et les soins lui laissent trop peu de temps pour étudier.
Tout va bien en ce qui concerne les soins médicaux. Une fois par an, nous allons voir tous les spécialistes et nous passons tous les tests adaptés à sa pathologie.
En un an et demi, mon fils a pris 15 kilos, et nous avons changé son traitement de corticoïdes de Prednisone à Deflazacort. Nikita va l’essayer pendant 3 mois.
En mai 2023, nous avons dû rentrer en Ukraine pour 2 semaines. Nous avons voyagé en bus pendant 56 heures (nous avons demandé un siège près de la sortie pour ne pas avoir à le porter partout dans le bus). Aux arrêts du bus, nous ne pouvions pas sortir le fauteuil roulant du coffre et j’ai dû porter Nikita dans mes bras afin de le déplacer pour se nourrir et avoir accès aux commodités.
Au retour, nous avons pris le train, puis l’avion jusqu’à Paris. Tout s’est bien passé, on a mis à notre disposition des personnes pour nous aider à l’atterrissage.
A Plérin où nous vivons maintenant, Nikita n’a pas encore trouvé ce qu’il pourrait faire comme activité extra-scolaire, car nous ne savons pas où chercher. En Ukraine, il y avait souvent des vacances, des événements pour les enfants, des voyages pour les enfants handicapés. En France, nous n’avons pas encore pu trouver quelque chose de ce genre.
Nikita aime les jeux d’ordinateur, les Lego, les voitures, comme tous les enfants ordinaires, et il est très inquiet de ne pas pouvoir communiquer avec les enfants, de n’avoir presque pas d’amis. Il n’a personne avec qui se promener. Comme nous vivons près de la mer, il veut y passer plus de temps, mais ce n’est possible que sur certaines plages, car son fauteuil roulant ne passe pas sur le sable.
Il veut aller à Disneyland et voyager beaucoup. Et son rêve le plus cher est de marcher à nouveau.
Marie-Françoise, Maman de Benoît, 40 ans

Notre vie avec ce chemin si difficile de la maladie de notre fils, âgé aujourd’hui de 40 ans, nous a démontré que dans l’impossible il y avait toujours du possible.
Au fur et à mesure des années nous avons appris le combat de tous les instants.
La force de refuser, de s’indigner, de s’imposer, de faire comprendre, d’accompagner, de communiquer, de soutenir et surtout de ne jamais rien lâcher !
La grande dépendance à haut risque vital n’est pas du tout connue du monde médical.
Nous sommes confrontés malheureusement à des incompréhensions qui sont littéralement des pertes de chance pour nos enfants devenus adultes.
Lorsque la MDPH délivre une carte besoin d’accompagnement permanent et que vous avez des aidants 24H/24, comment est-il possible d’avoir des refus lors de transport avec des ambulanciers privés qui sous prétexte d’un protocole interdisent que l’on reste auprès de la personne malade (?) Ces mêmes ambulanciers n’ont pas la formation aux aspirations endotrachéales, autant dire que mon fils serait mort pendant le transport, si nous n’avions pas obtenu gain de cause.
Nous avons dû imposer l’aidant durant un séjour à l’hôpital nuit et jour ; c’était très éprouvant de faire comprendre à certains personnels soignants (heureusement pas tous), mais cela demande de l’énergie en plus de l’état de notre fils.
Pour assister à des spectacles, Benoît doit acheter son billet mais également celui de son accompagnant avec le tarif de monsieur tout le monde. Lorsqu’il doit acheter sur internet, c’est la galère lorsqu’on découvre le chapitre PMR … Sommes-nous inclus dans la société civile ?
Le planning de ses auxiliaires de vie est un véritable feuilleton. Lorsqu’il y a absence, on compte sur la famille et autant dire que nous n’avons pas de vie, c’est une charge morale permanente…il faut tenir le coup, coûte que coûte même à 70 ans…

Le personnel n’est pas du tout rémunéré à hauteur de la responsabilité de la mission à haut risque vital et à cause de cela il y a un turnover inévitable.
Trachéotomiser c’est une sécurité médicale, mais ensuite les familles sont abandonnées pour accompagner dignement cette situation de grande dépendance. Il y a des drames qui se vivent au quotidien, et la société n’a pas de réponse c’est maltraitant voire inhumain…
Rendre hommage aux aidants avec « la semaine des aidants » c’est bien ; les aider toute l’année c’est mieux !