Guillaume, j’ai fêté mes 40 ans cette année
Je suis bien occupé entre le travail, de nombreuses sorties culturelles, un projet d’écriture, etc … La maladie ne me freine pas trop, je fais tout pour !!
Briser les barrières, on ne peut le faire seul !! Il faut un environnement familial et amical sain, il faut tomber sur les bonnes personnes au bon moment, il faut savoir se faire entendre. Ce n’est pas donné à tout le monde malheureusement.
Les lois de 2002 puis de 2005 devaient permettre de remédier à cela, que ça ne soit pas que les personnes handicapées favorisées (en dehors du handicap bien entendu) qui aient les ressources pour évoluer dans une société et un système qui ne font pas de sentiments.
Je ne vais pas dire que rien n’a évolué car, dans mon cas, rien n’était prévu dans la loi jusqu’à l’âge de 20 ans. C’est-à-dire que je n’avais pas d’AVS à l’école, pas de PCH, pas de MDPH. Et même, comme j’habitais dans une ville moyenne, je n’avais pas accès à un service d’aide humaine ni à des transports adaptés.
Cette évolution sociétale, on la doit en grande partie à l’APF et à l’AFM. Je trouve, par exemple, que le Téléthon a permis de faire évoluer les mentalités. En 40 ans, on est passé de la mise à l’écart des handicapés dans des centres, à une scolarité en milieu ordinaire de la plupart des enfants handicapés et, dans mon cas, à des études à bac+5 et à un emploi en tant qu’ingénieur. L’image du handicap a évolué positivement et les personnes handicapées commencent à avoir des aides importantes pour financer les aides techniques (fauteuil) et humaines (auxiliaires de vie). Le Téléthon n’a pas encore permis ma guérison mais a permis d’énormes progrès au niveau du suivi médical. L’espérance de vie des myopathes s’est sérieusement allongée depuis 40 ans.
Je vais donc vous raconter un peu mon histoire en mettant en avant les personnes qui m’ont aidé à y arriver, à briser pas mal de barrières. Ma vie a démarré sans qu’on se doute pour le moins du monde de ma maladie génétique, personne dans ma famille n’en était porteur. Ma maladie (la myopathie de Duchenne) a montré des premiers signes vers l’âge de 4 ans. A l’époque, je me fatiguais vite. La première épreuve pour mes parents (j’étais trop petit pour comprendre), a été l’errance de diagnostics. Pendant 3 longues années, je suis passé dans les mains d’ « experts » pour qui c’était avant tout psychologique. La réponse de base quand on ne sait pas reconnaître son ignorance. Vous vous rendez compte, on m’a même préconisé de l’escalade.
C’est à mon entrée en CP que tout s’est accéléré. J’étais scolarisé dans une école publique (celle dans laquelle ma grande sœur avait été scolarisée) où il n’y avait que des escaliers. Hélène, une employée de l’école (une ATSEM), a fini par faire le rapprochement entre les enfants qu’on voyait lors des premiers Téléthons et mon propre cas. Vers 7 ans, c ‘est donc devenu une évidence grâce à elle, mon handicap a été diagnostiqué dans la foulée.
L’année d’après, j’ai donc dû changer d’école. Mes parents ont fait ce qu’il faut pour trouver une autre école. Des travaux d’accessibilité ont été réalisés, l’équipe éducative a été mobilisée pour que mon intégration se fasse le mieux possible. Et ça été une réussite !! Du fait que je sois bon élève, je ne cumulais heureusement pas les difficultés. Car, c’est quand on est confronté à plusieurs difficultés que la situation peut se compliquer sérieusement pour d’autres enfants. J’avais une ATSEM qui avait un mi-temps dédié pour m’aider, elle m’a même accompagné une semaine en classe verte !!
J’ai pu marcher jusqu’à l’âge de 10 ans avant de devoir me servir en permanence d’un fauteuil roulant. Je me souviens très bien de ce jour-là, c’était le carnaval, je m’étais déguisé en extraterrestre et mon fauteuil faisait office de vaisseau spatial. C’est mes parents qui avaient bricolé le costume. Et oui, j’ai la chance d’avoir des parents aussi déterminés et qui n’ont pas pris mon handicap comme une fatalité. Ils se sont battus pour que je suive une scolarité en milieu ordinaire.
Au collège, c’est encore mes parents (professeurs, ça aide un peu) qui sont allés rencontrer l’équipe pédagogique, une équipe de professeurs volontaires a été sensibilisée à mon handicap. Des amis de primaire ont pu me suivre en sixième pour faciliter mon intégration. Il est vrai qu’en collège la différence peut entraîner du rejet et de la discrimination. De mon côté, je n’ai pas vécu ces situations-là (ou bien je n’y ai pas prêté d’attention particulière vu mon caractère bien affirmé). Je peux même vous dire que j’ai gardé mon groupe d’amis (de primaire et de collège), je les côtoie encore 30 ans après.
La seule situation qui m’a marqué, c’est ce professeur de 5ème qui voulait que je rentre en classe en dernier. Mal lui en a pris, je lui ai écrasé un pied quand il s’est interposé à mon passage le 1er jour 🙂 A part lui, les autres professeurs ont été formidables en me considérant comme tout autre élève. Pour m’aider au collège, j’ai eu la chance de compter sur un objecteur de conscience en 6ème et 5ème puis de compter sur l’équipe de surveillants.
Le lycée a continué dans les mêmes conditions. Après le bac, j’ai continué un cursus scientifique à l’Université Paul Sabatier de Toulouse. C’était un grand défi, comme pour n’importe quelle personne qui commence sa vie étudiante, de devenir autonome en quittant le domicile familial avec des problématiques en plus liées à mon handicap. Pour le logement adapté, j’ai pu avoir accès à une résidence universitaire sur le campus qui disposait d’appartements adaptés. Durant 5 ans, j’ai aussi compté sur la présence d’un colocataire étudiant (Elias puis Mounir) en l’absence de l’existence de PCH en 2001. En échange de l’hébergement et d’une petite rémunération, ce colocataire m’aidait pour les repas du soir et était présent la nuit en cas de problèmes. Il m’aidait aussi parfois pour les couchers car chose extraordinaire aucune association n’intervenait après 23h. Et c’est là qu’une autre personne a joué un rôle important pour moi en créant un service d’appel à la demande bien utile pour des couchers à l’heure souhaitée. Cet homme s’appelait Alain et c’était le début de l’association Carpe Diem Premium. En journée, une association d’aide humaine effectuait mes levers. Puis, après j’étais pris en charge par la faculté disposait de 2 emplois jeunes (Ludovic et Philippe) chargés d’aider les étudiants en situation de handicap (pour les repas et autres aides en journée , la prise de notes, etc …).
A l’université, j’ai fait un cursus en informatique dans un IUP (équivalent à une école d’ingénieurs). J’ai été pendant toutes ces années dans une promotion solidaire et bienveillante à mon égard, c’est important de le souligner !! Mes études ont ainsi pu se dérouler dans les meilleures conditions. J’ai réalisé lors de ce cursus des stages en entreprise qui se sont avérés très positifs malgré des réticences au départ. Le handicap génère beaucoup de préjugés qui, au final, se dissipent très vite mais c’est un combat de tous les instants.
Avec un bac+5 et de bons stages, j’étais très confiant pour ma recherche de travail. C’est dans ma nature d’être optimiste. Mais c’est à ce moment-là (où on pouvait se dire que le plus dur était passé) que j’ai pris la discrimination en pleine face et je ne m’y attendais pas. J’ai mis 1 an (et pas loin de 25 entretiens) là où il a fallu 3 mois à mes camarades d’IUP pour être embauché. Après 6 mois sans succès, le découragement commençait à se manifester et c’est encore mes parents qui m’ont soutenu. C’est à ces moments-là qu’il faut faire preuve de culot : avec mon père, on a fait le tour à l’improviste des entreprises qui m’avaient discriminés pour essayer de comprendre les raisons. Bien nous en a pris car quelques mois après j’avais enfin une promesse d’embauche. Mon intégration dans la société devenait totale après m’être battu pendant 25 ans. Je ne regrette pas toutes ces épreuves car cela m’a permis de rencontrer des personnes formidables qui ont tout fait pour m’aider.
Je travaille toujours dans la même entreprise depuis 15 ans en tant qu’ingénieur informatique, mes missions sont en majorité de la sous-traitance pour de grandes entreprises (principalement Airbus). Mon travail et mes compétences sont appréciées, je suis bien intégré aux équipes. Mon poste a été aménagé par un financement Agefiph (souris adapté, bureau réglable). L’entreprise, où je suis, dispose d’une Mission Handicap que je peux solliciter pour l’achat de matériel spécifique, pour résoudre des problèmes liés à mon handicap. Ce service s’est bien développé au fil des ans. Par exemple, l’entreprise me finance l’intervention d’une aide humaine pendant mes heures de travail sur site, c’est très appréciable !!